Ce grand classique est plus connu sous le nom du « Petit chaperon rouge », d'après la version qu'en a donnée Charles Perrault, suivi par les frères Grimm quelques décennies plus tard. On notera au passage que l'habit qui a donné son titre au conte, le fameux chaperon, semble être une invention de Perrault et ne se retrouve pas dans les versions antérieures.
Il s'agit d'un conte très ancien et qu'on retrouve en de multiples endroits. Paul Delarue en a recensé une trentaine rien qu'en France. Mais on en retrouve des traces jusqu'en Chine, ou c'est la grand-mère qui se rend chez ses petites-filles. La version qui suit a été recueillie dans le Nivernais par Achille Millien au cours de ses collectages à la fin du XIXè siècle. Il semblerait qu'elle ait pu circuler oralement dès le Xè siècle environ.
Dans la classification Aarne-Thompson, il s'agit du conte-type 333.
C'était un femme qui avait fait du pain. Elle dit à sa fille :
— Tu vas porter une époigne toute chaude et une bouteille de lait à ta grand.
Voilà la petite fille partie. A la croisée de deux chemins, elle rencontra le bzou qui lui dit :
— Où vas-tu ?
— Je porte une époigne toute chaude et une bouteille de lait à ma grand.
— Quel chemin prends-tu ? dit le bzou, celui des aiguilles ou celui des épingles ?
— Celui des aiguilles, dit la petite fille.
— Eh bien ! moi, je prends celui des épingles.
La petite fille s'amusa à ramasser des aiguilles.
Et le bzou arriva chez la Mère grand, la tua, mit de sa viande dans l'arche et une bouteille de sang sur la bassie.
La petite fille arriva, frappa à la porte.
— Pousse la porte, dit le bzou. Elle est barrée avec une paille mouillée.
— Bonjour, ma grand, je vous apporte une époigne toute chaude et une bouteille de lait.
— Mets-les dans l'arche, mon enfant. Prends de la viande qui est dedans et une bouteille de vin qui est sur la bassie.
Suivant qu'elle mangeait, il y avait une petite chatte qui disait :
— Pue !... Salope !... qui mange la chair, qui boit le sang de sa grand.
— Déshabille-toi, mon enfant, dit le bzou, et viens te coucher vers moi.
— Où faut-il mettre mon tablier ?
— Jette-le au feu, mon enfant, tu n'en as plus besoin.
Et pour tous les habits, le corset, la robe, le cotillon, les chausses, elle lui demandait où les mettre. Et le loup répondait : « Jette-les au feu, mon enfant, tu n'en as plus besoin. »
Quand elle fut couchée, la petite fille dit :
— Oh, ma grand, que vous êtes poilouse !
— C'est pour mieux me réchauffer, mon enfant !
— Oh ! ma grand, ces grands ongles que vous avez !
— C'est pour mieux me gratter, mon enfant !
— Oh! ma grand, ces grandes épaules que vous avez !
— C'est pour mieux porter mon fagot de bois, mon enfant !
— Oh ! ma grand, ces grandes oreilles que vous avez !
— C'est pour mieux entendre, mon enfant !
— Oh ! ma grand, ces grands trous de nez que vous avez !
— C'est pour mieux priser mon tabac, mon enfant !
— Oh! ma grand, cette grande bouche que vous avez !
— C'est pour mieux te manger, mon enfant !
— Oh! ma grand, que j'ai faim d'aller dehors !
— Fais au lit mon enfant !
— Au non, ma grand, je veux aller dehors.
— Bon, mais pas pour longtemps.
Le bzou lui attacha un fil de laine au pied et la laissa aller. Quand la petite fut dehors, elle fixa le bout du fil à un prunier de la cour. Le bzou s'impatientait et disait : « Tu fais donc des cordes ? Tu fais donc des cordes ? » Quand il se rendit compte que personne ne lui répondait, il se jeta à bas du lit et vit que la petite était sauvée. Il la poursuivit, mais il arriva à sa maison juste au moment où elle entrait.