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Conte du diable (le)
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'''Le conte du diable'''. Recueilli à Lussac-les-Châteaux en 1887. ==Texte intégral== Il y avait une fois un homme qui eut le malheur de perdre sa première femme, et il restait veuf avec deux enfants : un petit et une petite; et il eut le malheur de se remarier; et seulement il prit une mauvaise femme, qui pouvait aucunement souffrir ces pauvres enfants ! Voilà, un jour, qu'elle dit à son homme :<br/> — Et ainsi, écoute! Il faut que tu emmènes ces deux enfants tant loin tant loin! Tâcher de les faire perdre, que je ne les voie plus! Voilà ces deux pauvres petits bien désespérés, bonnes gens! Pour marquer leur chemin, ils prirent leurs pleines poches de cendre. Et les voilà partis! Tout le long du chemin, ils marquaient avec la cendre. Et le malheureux père les enfonce dans le milieu du bois et leur dit :<br/> — Restez là! Je m'en vais aller couper du bois, faire mes fagots, plus loin; quand j'aurai fini, je vous appellerai. Voilà les pauvres petits enfants qui restent un bon moment; mais le père ne les appelait point. Ils se mettent en chemin pour s'en retourner par le même chemin qu'ils connaissaient pour avoir jeté les cendres; et ils arrivèrent, il commençait à être tard, à la porte, que leur père et la mauvaise tante avaient soupé. Ils avaient quelque chose de reste (je ne peux pas dire ce que c'est, je ne m'en souviens pas).<br/> — Ah ! que dit la mauvaise femme, si nos petits étaient là, ils mangeraient bien ce qui est de reste !<br/> Ah! voilà les petits qui répondent :<br/> — Hé! n'sons (nous sommes) ben là, ma tante!<br/> Voilà la mauvaise tante qui se lève en colère :<br/> — Ah! tu les as menés bien loin, tes enfants! Vois-tu comme tu les as menés bien loin! Ils sont retournés !<br/> Et ils les firent entrer pour passer la nuit quant même à la maison. Et, le lendemain matin, elle dit :<br/> — Tu t'en vas les emmener si loin, si loin! Tâche de ne faire pas comme hier, qu'ils retournent encore! Voilà ces pauvres enfants qui emplissent leurs poches de mil, et puis ils le sèment tout le long de la route; mais les petits oiseaux qui sont venus par derrière, ont mangé le mil. Voilà leur papa qui les enfonce bien loin dans le bois, et puis leur dit :<br/> — Restez là! D'au tandis qu'i irai faire mon fagot; et tant que vous m'entendrez cogner, vous ne bougerez pas!<br/> Voilà qu'il attache un bot (sabot) encontre un pied de chêne, et le vent faisait aller ce bot, et il faisait toujours pif paf! pif paf! Ces pauvres petits enfants restèrent là jusqu'à temps qu'il fit bien nuit. Voilà ces pauvres petits bien désolés d'être dans ce bois à la nuit. Voilà le petit qui monte sur un chêne, tout à fait à la cime d'un chêne, pour voir s'il apercevrait des lumières. Et il en aperçut une.<br/> — Ah! ma petite soeur! J'en vois une bien loin, bien loin!<br/> — Hé bien! faut tâcher d'aller à l'adroit (dans la direction), jusqu'à temps que nous l'aurons trouvée.<br/> Et ils arrivèrent bien par la lumière à la maison. Précisément, c'était la maison du diable. Voilà ces petits enfants qui arrivent à la porte; ils demandent à loger. La femme au diable dit :<br/> — Ah! mes pauvres petits enfants! I n'peux pas vous loger, parce que c'est la maison du diable, et puis, quand il arrivera, il vous mangerait. Ces pauvres petits ne savaient point là où aller; ils prièrent beaucoup la femme de tes retirer (donner l'hospitalité). La femme les fait entrer; elle les fait bien souper avec les siens, parce que la femme en avait deux, elle aussi. Et ses enfants avaient des bagues d'or, et les autres petits, bonnes gens! avaient fait des bagues de balai (genêt) qu'ils avaient mises à leurs doigts.<br/> — Allons ben ! que dit la femme, vous allez coucher avec les nôtres dans le même lit; vous vous mettrez au pied.<br/> Voilà les enfants, dans la nuit, qui se mettent à dire :<br/> — Changeons de bagues et de places! Changeons de bagues et de places!<br/> Et, comme bien entendu, ils changèrent de bagues et de places. Le diable arriva. Sitôt entré, il se mit à sentir :<br/> — Hum! Hum! Ça sent bien le frais chien là!<br/> — Ah! mon pauvre homme! Ol (c') est la vache qui est avêlée (a mis bas) !<br/> — C'est point ça. Ah! ça sent bien le frais chien!<br/> — Ol est la treuc (truie) qui est azoronnée (a mis bas) !<br/> — Hum! Hum! c'est point ça!<br/> — Hé ben, mon pauvre homme! Ol est deux petits qui étaient écartés, et qui m'ont priée de les retirer pour la nuit.<br/> — Bon, bon, bon! Ce sera ben bon, pour mon déjeuner.<br/> Voilà, dans la nuit, qu'il se met à manger ses enfants.<br/> — Hé, mon p'pa ! Tu me manges ! Hé, mon p'pa! tu me manges!<br/> — N'seus point ton père, moi! N'seus (je ne suis) point ton père, moi! Le matin, les deux autres petits se lèvent bien vite, et puis se sauvent. Ils arrivent à une, rivière pour passer la rivière. Et la bonne Vierge, qui était la marraine de la petite, se trouvait à laver. Et ces pauvres petits lui dirent que le diable les courait. Voilà la bonne Vierge qui étend bien vite son linceul (drap) sur la rivière, et elle fit passer les deux enfants. Un moment après, le diable arrive. Il l'appela bien par un nom, un drôle de nom même, mais je l'ai oublié. Il demande à la bonne Vierge :<br/> — N'as-tu pas vu passer un petit et une petite, là?<br/> — Ah! qu'elle dit, oui, je les ai vus. Je les ai fait passer la rivière; j'ai étendu mon linceul, et puis ils ont passé par-dessus.<br/> — Hé ben! Etends-le donc pour me faire passer moi tou (aussi). Elle étend son linceul; elle fait monter le diable dessus pour passer. Voilà qu'elle tire son linceul; elle le fait tomber dans l'eau. Et puis, elle le fit barboter dans l'eau, oui, il y fut longtemps dans l'eau, à boire! Et les enfants se sauvaient toujours. Voilà qu'ils passèrent encontre un laboureur qui semait de l'avoine; que dirent ces enfants :<br/> — Mon bonhomme, faudra que vous venez demain; amenez des métiveurs (moissonneurs); apportez des faucilles, pour motiver votre avoine.<br/> — Mais, mes enfants, i sème mon avoine aujourd'hui; elle restera peut-être bien cinq ou six mois dans la terre; i ne peux pas la métiver demain.<br/> — Mais si! Et venez demain! Et ne manquez pas! Votre avoine sera bel et bien mûre! L'homme ne manqua point. Il vint le lendemain avec du monde métiver son avoine. Voilà que le diable passe, demande à ces métiveurs s'ils avaient pas vu passer deux petits, un petit et une petite.<br/> — Ah! que dit le laboureur, oui; i les ai vus passer; mais il y a longtemps. Ils ont passé le jour qu'i semais mon avoine.<br/> — Ah ben! que dit le diable, ce n'est pas la peine que je coure après eux; je ne les attraperai jamais. Et puis, les petits enfants étaient sauvés! [[Catégorie:Trois contes poitevins]] [[Catégorie:AT 0327B]]
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