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La Ch&egrave;vre et le Loup (1)<br>
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M. JEAN-FRANCOIS BLADE<br>
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CONTES POPULAIRES RECUEILLIS EN AGENAIS<br>
PARIS<br>
LIBRAIRIE JOSEPH BAER<br>
RUE DU QUATRE-SEPTEMBRE, 2<br>
l874 <br>

La ch&egrave;vre et le loup voulurent devenir riches, et
s'associ&egrave;rent pour travailler une m&eacute;tairie.<br>
- Loup, dit la ch&egrave;vre, les bons comptes font les bons amis.
Avant de nous mettre au travail, il faut bien faire nos accords<br>
et convenir de la part que chacun doit prendre dans les
r&eacute;coltes. L'un de nous aura ce qui poussera sous la terre, et<br>
l'autre ce qui poussera dessus. Choisis ; je me contente de ce que tu
ne voudras pas.<br>
- Je choisis ce qui poussera dessus. <br>
La ch&egrave;vre sema toute la m&eacute;tairie en aulx, oignons
et raves ; de sorte qu'elle eut les t&ecirc;tes de tous ces
l&eacute;gumes, et que son<br>
pauvre associ&eacute; n'en eut que les queues.<br>
- Je me suis tromp&eacute; 1'annee pass&eacute;e dit le loup,
et je<br>
choisis pour celle-ci tout ce qui poussera sous la terre.<br>
La ch&egrave;vre sema toute la m&eacute;tairie en
bl&eacute; et en seigle ; de sorte qu'elle eut tout le grain et
toute la paille, et que son<br>
pauvre associ&eacute; n'eut que les racines.<br>
Alors le loup se promit de punir la ch&egrave;vre de ses mauvais<br>
tours, et de profiler de la premi&egrave;re occasion o&ugrave;
il serait seul avec elle pour la manger. Mais celle-ci devina la
pens&eacute;e du loup et se tint sur ses gardes, en attendant le
moment de<br>
se d&eacute;barrasser de son ennemi.<br>
Un jour le loup s'en alla trouver la ch&egrave;vre.<br>
- Bonjour, ch&egrave;vre.<br>
- Adieu, Loup.<br>
- Ch&egrave;vre, j'ai de bien mauvaise soupe &agrave; la
maison, et je viens gouter la tienne.<br>
- Avec plaisir, Loup.<br>
La ch&egrave;vre servit au loup une grande assiett&eacute;e de
soupe, et ensuite ils all&egrave;rent se promener
jusqu'&agrave; une &eacute;glise dont la<br>
porte &eacute;tait trou&eacute;e.<br>
- Ch&egrave;vre, dit le loup, entrons dans cette &eacute;glise
pour prier Dieu.<br>
- Avec plaisir, Loup.<br>
- &Agrave; present que nous sommes entre&eacute;s ,
ch&egrave;vre, il faut que je te mange.<br>
- Imb&eacute;cile, je suis vieille et maigre ; tu ferais un triste
repas. Mange plut&ocirc;t cette miche de pain de quinze livres que<br>
quelqu'un a mise pour le cur&eacute; sur la marche de 1'autel.<br>
- Tu as raison, ch&egrave;vre .<br>
Le loup se jeta sur la miche, et la ch&egrave;vre profita de ce
moment pour sortir par le trou de la porte. Mais quand le loup<br>
voulut en faire autant, il se trouva que tout le pain qu'il avait
aval&eacute; lui avait tellement enfl&eacute; le ventre, qu'il
ne pouvait<br>
pas passer.<br>
- &Agrave; mon secours, ch&egrave;vre; le trou de la porte
s'est rapetis&eacute;.<br>
- Non, Loup ; c'est ton ventre qui s'est enfl&eacute;. Tache de
sortir de 1'eglise en grimpant le long de la corde de la<br>
cloche.<br>
Le loup se pendit &agrave; la corde et mit la cloche &agrave;
la vol&eacute;e, de sorte que les gens de la paroisse accoururent
&agrave; ce tapage.<br>
Quand ils virent &agrave; qui ils avaient affaire, ils
s'arm&egrave;rent de fourches et de b&acirc;tons, de sorte que
la vilaine b&ecirc;te faillit y<br>
laisser le cuir, et s'&eacute;chappa toute en sang. La
ch&egrave;vre qui regardait de loin riait comme une folle.<br>
Ah ! ch&egrave;vre, les gens de cette paroisse sont de bien mauvais
Chretiens. Vois dans quel &eacute;tat ils m'ont mis devant<br>
l'autel m&ecirc;me du Bon Dieu. Je n'en puis plus, et je donnerais
dix ans de ma vie contre un peu d'eau pour laver mes blessures<br>
et me gu&eacute;rir de la soif que me donne tout le pain que j'ai
mang&eacute;.<br>
<br>
Eh bien ! loup, saute dans ce puits. Quand tu auras lav&eacute; les
plaies et bu &agrave; ta soif, je t'aiderai &agrave; remonter.<br>
Le loup sauta dans le puits, lava ses plaies et but &agrave; sa
soif.<br>
- Maintenant, ch&egrave;vre, aide-moi &agrave; remonter.<br>
- Loup, tu es dans le puits ; demeures-y.<br>
<br>
Et cric, cric,<br>
Mon conte est fini ;<br>
Et cric, crac ,<br>
Mon conte est achev&eacute;<br>
Je passe par mon pr&eacute; ,<br>
Avec une cuiller&eacute;e de feves qu'on m'a donn&eacute;e.<br>
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(1) Ecrit sous la dict&eacute;e de Catherine Sustrac.<br>

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[[Catégorie: Jean-François Bladé]]