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Deux loups et les gendarmes (les)
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Conté en patois par Anicet Madou, de Blangy-sur-Ternoise. ==Texte intégral== ''Dins l'temps d'adont''<ref>Au temps jadis.</ref>, il n'y avait point d'épiciers dans tous les villages; néanmoins on en trouvait un, — une épicière, plutôt, — à Blangy-sur-Ternoise : c'était mam'zelle Oudart, chez qui tous les gens des villages d'en haut, d'Humières, d'Humereuille, d'Eclimeux, d'Incourt, etc., venaient quérir le sucre, le café et le bren d'vin qui leur étaient nécessaires. Il y avait près de là un bois, dans lequel vivaient deux loups, un vieux et un jeune. Ce bois était coupé en deux parties par la route conduisant aux villages d'en haut, ce qui fait que les villageois le traversaient forcément pour eux venir à l'épicerie à Blangy. Une fois le jeune loup dit comme ça au vieux :<br/> « Il ne passe donc jamais de gens, là, sur la route ?<br/> — Si fait, lui répond le vieux loup.<br/> — Eh bien, quand il en passera, tu me le diras, j'irai les croquer.<br/> — Je veux bien ».<br/> Cela dit, les voilà qui se mettent aux aguets derrière un gros chêne. Ils voient alors passer deux jeunes enfants qui s'en venaient ''querre del gée''<ref>Quérir de la levure de bière.</ref>.<br/> « C'est-il des gens, ça ? demande le jeune loup.<br/> — Non, ce ne sont pas des gens, tu peux les laisser aller ». Au bout d'une demi-heurette, ils voient passer grand'père Gosse qui allait à l'aumône.<br/> « C'est-il des gens, ça ? redemande le jeune loup.<br/> — Non, ce n'est pas une gens, tu peux le laisser aller.<br/> — Eh bien, il n'en passe donc jamais !<br/> — Ne t'ennuies pa's, tout à l'heure tu en verras ». Au bout d'une heure, ils voient venir deux gendarmes.<br/> « C'est-il des gens, ça ? demande encore le jeune loup.<br/> — Oui, c'en est, lui répond le vieux loup en riant. Tu peux aller les croquer tous deux ».<br/> Voilà notre jeune loup parti pour manger les deux gendarmes. Mais ceux-ci, le voyant venir, prennent vite leur fusil et,... pif! pan !... ils démontent une épaule au pauvre loup. Hardi comme un démon, celui-ci se met quand même à courir tout ce qu'il sait pour manger les gendarmes. Il s'en approche bien, mais les deux gendarmes tirent leur grand sabre et se mettent à laper et à buquer sur le loup comme sur une bête morte. Heureusement pour lui, les sabres ne coupaient pas fort, sinon il aurait été hâché menu comme chair à pâté. Les deux gendarmes ne réussirent qu'à lui démonter l'autre épaule. Alors le loup s'est sauvé bien vite avec ce qu'il avait de prunes cueillées, pour li aller s'mucher dans le bois. En le voyant racourir avec les deux gendarmes à ses trousses, le vieux loup jugea prudent de se cacher aussi. Les gendarmes ont cherché longtemps partout le bois, mais ils n'ont pu les découvrir. Quand ils ont été partis, le jeune loup dit au vieux :<br/> « Je ne suis plus près de courir pour manger des gens. C'est qu'ils n'étaient pas bons, ceux-là ! Ils avaient de longs bâtons qui crachaient le feu par les deux bouts. Ils m'ont démonté une épaule ! Et après ça, ils ont défliqué d'autres bâtons de fer avec lesquels ils m'ont démonté l'autre épaule ! Tiens, regarde, compagnon, dans quel état me voilà maintenant ! » Le vieux loup riait dans sa barbe sans rien dire. Et le jeune loup, je vous l'assure, n'a plus jamais attaqué les gens. Au contraire, quand il en voyait, il s'empressait de se sauver. ==Notes== <references/> [[Catégorie:Contes du pays de Saint-Pol]] [[Catégorie:Revue des Traditions Populaires, année 1904]]
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