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<p style="margin-bottom: 0cm;">LE VIEILLARD ET LES ARBRES
EN FLEURS</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;"><small>CONTE JAPONAIS</small></p>
<p style="margin-bottom: 0cm;"><small><small>CONTES
DE DIFFERENTS PAYS RECUEILLEIS
ET TRADUITS PAR XAVIER MARMIER &nbsp;DE
L'ACAD&Eacute;MIEFRAN&Ccedil;AISE</small></small></p>
<p style="margin-bottom: 0cm;"><small><small>PARIS</small></small></p>
<p style="margin-bottom: 0cm;"><small><small>LIBRAIRIE
HACHETTE ET Cie &nbsp;79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN</small></small></p>
<p style="margin-bottom: 0cm;"><small><small>1880</small></small></p>
<p style="margin-bottom: 0cm;"><br>
</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Autrefois, voil&agrave;
longtemps, longtemps,
dans une paisible retraite, vivait un honn&ecirc;te homme
nomm&eacute; Toni,
avec sa brave femme et un fid&egrave;le chien.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Un-jour, les deux bonnes
gens &eacute;tant &agrave;
travailler dans leur jardin, le chien, dont ils avaient le plus grand
soin et qui partout les suivait, soudain se mit &agrave; aboyer en
agitant
vivement sa queue et en grattant la terre avec ses pattes. Son
ma&icirc;tre
essayait de l'apaiser. Mais le chien continuait &agrave; gratter la
terre,
en levant la t&ecirc;te vers son ma&icirc;tre comme pour lui
dire : Regarde, il
y a quelque chose l&agrave;.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Toni prit une pioche,
creusa le sol et
y trouva un coffret rempli d'or et d'argent et d'autres choses
pr&eacute;cieuses.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">De ce tr&eacute;sor
l'honn&ecirc;te jardinier fit
une large part pour les pauvres, puis, avec le reste, acheta des
champs de riz et des champs de froment, et v&eacute;cut en une
douce
aisance.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Pr&egrave;s de lui
demeurait un autre vieil
homme nomm&eacute; Kouno, avec une vieille femme, tous deux
cupides, avares
et m&eacute;chants.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Quand ces deux mauvaises
gens apprirent
la fortune inesp&eacute;r&eacute;e de leur voisin, ils vinrent
le voir et le pri&egrave;rent de leur pr&ecirc;ter,
pour quelques heures, le brave chien.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Jusque-l&agrave;,
chaque fois qu'ils
rencontraient le doux animal, ils le chassaient &agrave; coups de
pied.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Maintenant ils voulaient
l'attirer &agrave;
eux. Ils le caressaient et lui offraient diverses friandises.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Puis, apr&egrave;s
toutes ces belles
d&eacute;monstrations, ils lui dirent :</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">&laquo; Indiquez-nous
donc aussi l'endroit
o&ugrave; nous trouverons un tr&eacute;sor. &raquo;</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Le chien, qui avait
re&ccedil;u tr&egrave;s
froidement leurs subits t&eacute;moignages d'affection,
r&eacute;pondit &agrave; cette
demande par un sourd grognement.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Ils lui nou&egrave;rent
alors une corde au
col et l'entra&icirc;n&egrave;rent dans le jardin.
L&agrave;, tout &agrave; coup, il se mit
&agrave; flairer le sol, remua la queue et aboya. Kouno et sa femme
s'empress&egrave;rent de creuser la terre et
d&eacute;couvrirent un amas
d'immondices qui r&eacute;pandait une odeur infecte. Furieux de
leur
d&eacute;convenue, ils tu&egrave;rent le chien et
l'enterr&egrave;rent au pied d'unpin.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Toni s'en alla
pr&egrave;s de cet arbre
pleurer la mort de son cher compagnon.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">La nuit suivante, il vit en
r&ecirc;ve le
fid&egrave;le chien, qui le remercia de son bon souvenir et lui dit
:</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">&laquo; Abats l'arbre
au pied duquel j'ai
&eacute;t&eacute; enseveli, et fais-en un mortier pour piler
ton riz. &raquo;</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Ainsi fut fait, et, quand
le vieillard
se servit de son mortier, chaque grain de riz qu'il y mettait se
changeait en un grain d'or.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Ses cupides voisins, ayant
appris cette
nouvelle fortune, vinrent le prier de leur pr&ecirc;ter son
pr&eacute;cieux
mortier. Mais le riz qu'ils y jetaient se changea en une boue
f&eacute;tide.
Dans un transport de rage, ils bris&egrave;rent le magique
ustensile, puis
le br&ucirc;l&egrave;rent.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Le lendemain, Toni revit en
r&ecirc;ve son
chien, qui lui dit : &laquo; Recueille les cendres du mortier qui a
&eacute;t&eacute;
br&ucirc;l&eacute; et s&egrave;me-les sur les arbres
dess&eacute;ch&eacute;s. &raquo;</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Le jardinier,
apr&egrave;s ce r&ecirc;ve, se
rendit chez Kouno et le pria de vouloir bien au moins lui rendre les
cendres du pr&eacute;cieux mortier qu'il avait
br&ucirc;l&eacute;.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Quand il eut obtenu ces
cendres, il
alla en jeter une parcelle sur un vieux cerisier depuis longtemps
st&eacute;rile. Aussit&ocirc;t il le vit reverdir et refleurir.
Il mit alors ses
cendres dans un coffret et s'en alla &agrave; travers le pays,
annon&ccedil;ant
qu'il pouvait faire revivre les arbres morts.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Il eut la joie de faire
revivre ainsi
les pruniers et les cerisiers d'un royal domaine; et le prince
&agrave; qui
cette terre appartenait lui fit de riches pr&eacute;sents avec
lesquels
Toni retourna joyeux &agrave; son domicile.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">D&egrave;s que Kouno
eut appris ce nouveau
prodige, il recueillit les cendr&eacute;s de son foyer et se dirigea</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">vers une grande ville,
annon&ccedil;ant que
c'&eacute;tait lui qui ferait revivre imm&eacute;diatement les
arbres morts.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Il fut appel&eacute;
&agrave; montrer son savoir
dans le jardin d'un prince, et sans h&eacute;siter jeta des
poign&eacute;es de
cendres sur les arbres qu'on lui d&eacute;signait. Mais on ne vit
appara&icirc;tre aucune feuille, aucune fleur, et les cendres
emport&eacute;es
par le vent vol&egrave;rent sur les l&egrave;vres et les yeux
du prince qui, dans
sa col&egrave;re, ordonna de saisir ce charlatan et de lui
administrer une
s&eacute;v&egrave;re bastonnade.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Au lieu de retourner dans
sa maison,
comme il l'esp&eacute;rait, riche et honor&eacute;, Kouno y
rentra appauvri,
malade, &agrave; demi disloqu&eacute;.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Toni et son
fid&egrave;le compagnon eurent
piti&eacute; de lui et de sa femme. Ils leur donn&egrave;rent,
en leur faisant
d'amicales remontrances, une partie du bien qu'ils avaient acquis.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Les m&eacute;chants
voisins, touch&eacute;s de
cette bont&eacute;, se repentirent de leurs mauvaises actions et
devinrent
doux et charitables.</p>