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'''Ménippe et le succube''' est une légende parue dans la ''Revue des Traditions Populaires'', tome 34, n°1.
==Texte intégral==
Ménippe était Lycien, âgé de vingt-cinq ans, d'un esprit remarquable et doué de beauté. Il ressemblait pour l'extérieur à un bel athlète et à un homme libre. Beaucoup le croyaient aimé par une 
femme étrangère qui paraissait belle et agréable et se disait riche, mais il n'en était pas ainsi ; ce n'était qu'apparence. 

Tandis qu'il suivait seul la route de Cenchrées, un fantôme ayant l'apparence d'une femme, lui apparut et, le prenant par la main, lui dit qu'elle l'aimait depuis longtemps, qu'elle était Phénicienne, qu'elle 
habitait dans un faubourg de Corinthe qu'elle lui indiqua et ajouta : « Si tu viens ce soir, tu m'entendras chanter, tu boiras du vin comme tu n'en as pas encore bu, aucun rival ne te troublera, et belle comme je suis, je vivrai avec un beau jeune homme. » Le jeune homme fut vaincu par ces paroles, car, s'il était fort en philosophie, il était faible devant l'amour ; il se rendit, le soir, chez elle et, pendant longtemps, 
la fréquenta comme sa maîtresse, ne soupçonnant pas que c'était un fantôme. Apollonios (de Tyane) contemplant Ménippe avec le regard d'un statuaire, se fixa ses traits dans l'esprit et lui dit : « Jeune homme, recherché pour ta beauté par de belles femmes, tu réchauffes un serpent, et un serpent te réchauffe. » Ménippe fut étonné. Apollonios continua :<br/>
« Cette femme n'est pas ton épouse, mais penses-tu qu'elle t'aime ? »<br/>
— « Oui, par Zeus, car elle se conduit envers moi comme si elle m'aimait.<br/>
— Et l'épouserais-tu ?<br/>
— Il me serait agréable d'épouser une femme qui m'aime.<br/>
— A quand les noces ?<br/>
— L'affaire est en train, peut-être demain. »

Apollonios attendit le moment du festin et, survenant quand les convives étaient arrivés, il demanda :<br/>
« Ou est la belle pour qui vous êtes venus ?<br/>
— Ici», répondit Ménippe, et il se leva en rougissant.
<br/>« A qui de vous deux appartiennent l'argent, l'or et tout ce qui orne cette salle ?<br/>
— A ma femme, dit Ménippe, car je ne possède que ceci », en montrant son manteau.<br/>
Apollonios reprit :<br/>
« Connaissez-vous les jardins de Tantale qui sont et qui ne sont pas ?<br/>
— Nous avons vu cela dans Homère<ref>Cf. Homère, Odyssée, 1. XI, V. 545 et suiv.</ref>, car nous ne sommes pas descendus dans l'Hadès.<br/>
— Croyez que tout ce qui est ici est la même chose : il n'y a pas de réalité, mais l'apparence de la réalité. Pour que vous compreniez ce que je dis, cette charmante épousée est une des Empuses, que l'on appelle communément Lamies ou Larves. Elles aiment beaucoup les plaisirs de l'amour, mais plus encore la chair humaine, elles attirent par des caresses ceux qu'elles veulent dévorer.<br/>
— Tais-toi, dit la femme, et cesse » ; en même temps, elle feignit de s'irriter de ce qu'elle entendait et s'emporta contre les philosophes qu'elle traita de frivoles.

Mais tout à coup, les vases d'or et ce qu'on prenait pour de l'argenterie s'évanouit, tout disparut aux yeux ; les échansons, les cuisiniers et le reste des serviteurs disparurent aux paroles d'Apollonios. Le fantôme semblait pleurer et le suppliait de ne pas le torturer et de ne pas l'obliger à avouer ce qu'il était. Mais, sur son insistance, elle déclara qu'elle était une Empuse et qu'elle avait voulu gorger de plaisirs Ménippe pour se nourrir de sa chair<ref>Philostrate, Vie d'Apollonios de Tyane, 1. IV, ch. 25 ap. Wegtermann, Philostratorum opera Paris, 1849, in-8, p. 82-83. Cf. les rapprochements de Chassang, 
Apollonios de Tyane, Paris, 1862, in-12, p. 447-450.</ref>.
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[[Catégorie:Contes et légendes de la Grèce ancienne]]
[[Catégorie:Revue des Traditions Populaires, année 1919]]