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Ce conte, originaire de la Bresse et issu du n° 1-8 de la Revue des Traditions Populaires, a été recueilli par Charles Guillon. == Texte intégral == Un jeune homme avait un père qui était voiturier. Son père voulait lui céder ses chevaux et ses voitures, mais le sachant très étourdi, il lui dit :<br/> — Je te donne mes chevaux et mes voitures; fais ton voyage; seulement, si à ton retour tu ne m'en rapportes pas la valeur, je te tue. Le jeune homme partit. Arrivé à Lyon, il vendit tout et mangea l'argent. Ne sachant plus que faire il se fit devin. Il connaissait un château où il y avait beaucoup de domestiques, et il s'y rendit. En arrivant, il frappa. Le portier lui ouvrit, et lui demanda ce qu'il voulait. Il répondit :<br/> « Bonjour Pierre. »<br/> — Pardon, ce n'est pas moi qui m'appelle Pierre, je m'appelle François.<br/> — Oui, je le sais; mais le second, comment s'appelle-t-il ?<br/> — Pierre.<br/> — Et l'autre ?<br/> — Jean.<br/> — C'est bien Jean en effet.<br/> — Mais enfin que voulez-vous ?<br/> — Je demande à parler à M. le comte.<br/> — Le comte est parti.<br/> — Je sais bien qu'il est parti, mais dites à madame la comtesse que je demande à lui parler et que je suis devin. La comtesse le fit entrer.<br/> — Bonjour, madame la comtesse, dit-il, je viens de bien loin pour découvrir un vol qui s'est commis dans votre château.<br/> — Tant mieux, dit-elle, on m'a en effet volé dernièrement un très beau diamant, et si vous pouvez me le faire retrouver, je vous promets cinquante louis. Mais, j'y pense, monsieur le devin, puisque vous arrivez de si loin, vous devez avoir faim, je vais vous faire servir à déjeuner.<br/> — Très bien madame, mais vous me ferez servir par François.<br/> Après déjeuner, il dit devant le domestique :<br/> — A la volonté de Dieu, en voilà un de pris.<br/> Puis il se rendit vers la comtesse, et lui persuada que le retour du comte était nécessaire et qu'il dînerait avec lui.<br/> — Vous me ferez servir par Pierre.<br/> François, qui avait servi à déjeuner, dit à Pierre :<br/> — Tu vas servir à dîner au devin; il a déjà dit à la fin du déjeuner : en voilà un de pris ! tu feras attention de ne rien dire et d'écouter ce qu'il dira. Après dîner, il dit la même chose :<br/> — A la volonté de Dieu, en voilà deux de pris !<br/> Le comte n'étant pas encore rentré, il dit à la comtesse :<br/> — Madame, si vous voulez retrouver votre diamant, faites-moi, ce soir, servir à souper par Jean.<br/> Pierre qui entendit cela, dit à Jean :<br/> — Je crois qu'il a tout deviné; tu lui diras donc, s'il t'en parle, que nous le conjurons de ne rien dire à madame la comtesse, que nous lui rendrons le diamant et que de plus nous lui donnerons chacun quatorze louis. Jean le servit à souper.<br/> — Presque trois de pris ! dit le devin avant d'avoir fini. Jean prit peur et dit :<br/> — Monsieur le devin, ne nous faites point de misères, nous rendrons le diamant, et de plus nous vous donnerons quatorze louis chacun.<br/> Le devin lui répondit :<br/> — Ne dites rien, mes enfants, je suis venu pour vous servir. Apportez-moi le diamant et vos quatorze louis chacun, je vous promets que personne ne saura rien et que vous resterez dans le château. Jean fut alors trouver ses complices et leur dit :<br/> — Donnez-moi vite le diamant que je le porte au devin; il m'a promis de le rendre sans rien dire, et que nous resterions tous au château, à condition que nous lui donnions chacun quatorze louis. Jean lui apporta le diamant.<br/> — N'avez-vous pas de dinde dans la basse-cour ?<br/> — Oui, monsieur le devin.<br/> — En avez-vous de différentes couleurs ?<br/> — Oui, monsieur le devin, il y en a une grise.<br/> — Bien, tâchez de l'apporter en cachette.<br/> — Monsieur, voilà la dinde.<br/> — C'est bien, allez-vous-en. Quand il fut seul, il fit avaler le diamant au dindon, puis il fit demander la comtesse.<br/> — Madame la comtesse, dit-il, puisque M. le comte ne revient pas, je vais vous rendre votre diamant, car demain, il serait perdu. Voici pourquoi : Vous avez dans votre basse-cour une dinde grise; dites à la cuisinière d'aller la chercher. On tua le dindon et on l'ouvrit devant la comtesse, et en trouva le diamant dans son corps.<br/> — Comment se fait-il, monsieur le devin, que ce dindon ait pris mon diamant ?<br/> — Madame, un jour des dames vinrent vous faire une visite; en sortant un de vos gants, le diamant est tombé de votre doigt : le dindon l'a avalé sans que vous vous en soyez aperçue. La comtesse lui compta de suite ses cinquante louis, et lorsqu'il voulut partir, elle dit :<br/> — Puisque vous êtes un si bon devin, faites-moi donc le plaisir d'attendre M. le comte, qui sera enchanté de vous voir. Le comte arriva le lendemain à huit heures. La comtesse ne manqua pas de lui raconter que la veille il était venu au château un devin fameux qui lui avait fait retrouver son diamant. Le comte lui demanda s'il était encore là.<br/> — Oui, répondit-elle.<br/> Le comte alla le trouver et lui dit :<br/> — Monsieur le devin, faites-moi le plaisir de déjeuner avec moi. Avant le déjeuner, le comte plaça (sur la table deux pistolets et un plat couvert, dans lequel il avait fait mettre un grillel (grillon), et il dit au devin : <br/>— Puisque vous êtes sorcier, vous allez deviner ce qu'il y a sous ce plat; si vous ne le devinez pas, je vous tue. Le devin s'appelait Grillet. Ne sachant que dire, il se frappa la poitrine et s'écria :<br/> — Pauvre Grillet, tu es pris !<br/> Le comte, croyant qu'il avait deviné, lui donna de son côté cinquante louis. Le devin partit aussitôt en disant qu'il était fort pressé. Il rentra chez son père et lui dit :<br/> — Père, voilà plus que le prix de tes chevaux et de tes voitures ; mais je ne veux plus faire le commerce. [[Catégorie: Conte facétieux]] [[Catégorie: Revue des Traditions Populaires, année 1886]] [[Catégorie: Charles Guillon]] [[Catégorie: Bresse]]

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