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Le forgeron et le démon
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Extrait de Contes populaires de la Russie M Ralston traduit par Loys Brueyre Il y avait une fois un forgeron qui avait un petit garçon de six ans, plein d'intelligence et de vivacité. Un jour, le vieillard alla à l'église, et comme il se trouvait devant un tableau du Jugement dernier, il remarqua un démon qui y était peint, mais terrible ! Un démon tout noir avec des cornes et une queue ? « Oh! s'écria-t-il, si j'en faisais peindre un semblable pour ma forge! » Alors, il fit venir un artiste et lui ordonna de peindre sur la porte de la forge un démon exactement pareil à celui qu'il avait vu dans l'église. L'artiste le peignit. Depuis ce temps le vieillard, chaque fois qu'il entrait dans la forge, regardait toujours le démon et lui disait : — Bonjour, pays ! Puis il mettait le feu dans la fournaise et commençait son ouvrage. Bien. — Le forgeron vécut en bonne intelligence avec le démon quelque dix ans. Alors, il tomba malade et mourut. Son fils lui succéda comme chef de la famille et prit la direction de la forge. Mais il n'était pas disposé au respect pour le démon, comme son vieux bonhomme de père. Quand il entrait dans la forge au matin, il ne lui disait jamais bonjour ; au lieu d'adresser au démon une bonne parole, il saisissait son plus lourd marteau et il le frappait trois fois sur le front, puis se mettait à l'ouvrage. Et quand arrivait l'un des saints jours de Dieu, il se rendait à l'église et offrait un cierge à chaque saint; puis se dirigeant vers le démon, il lui crachait à la figure. Trois ans s'écoulèrent ainsi, et chaque jour, il favorisait le maudit soit d'un crachat, soit d'un coup de marteau. Le démon endura longtemps ces outrages ; mais, à la fin, il trouva que cela passait toute permission. C'en était réellement trop. — J'ai supporté assez longtemps les insultes de cet homme, pensa-t-il ; il faut que j'use un peu de diplomatie et que je lui joue un bon tour. Alors, le démon prit la forme d'un jeune homme et alla à la forge. — Bonjour, mon oncle, dit-il. — Bonjour. — Que dirais-tu, mon oncle, de me prendre comme apprenti ? Je pourrai toujours te porter ton charbon et te souffler ta forge. Le forgeron accepta cette proposition. — Pourquoi non ? répliqua-t-il; deux valent mieux qu'un. Le démon commença donc a apprendre son métier. Au bout du mois, il en savait plus que son maître lui-même, et il pouvait faire des choses dont son maître était incapable. C'était un vrai plaisir de le regarder ! Son maître en était satisfait au-delà de toute expression, et il s'attacha à lui. Le maître avait une telle confiance en son ouvrier, que souvent il n'allait pas à la forge et qu'il lui en laissait toute la responsabilité. Or il advint un jour que le maître était sorti et que l'ouvrier était resté seul a la forge. Soudain, il vit passer dans la rue, étendue dans sa voiture, une vieille dame. Alors, il mit la tète en dehors de la porte et s'écria : — Eh! madame, veuillez vous arrêter ici; nous avons entrepris un nouveau métier : nous rajeunissons les vieilles gens. La grande dame sauta aussitôt de sa voiture et s'élança dans la forge. — Qu'est-ce que tu racontes ? ce que tu dis est-il vrai ? en es-tu réellement capable ? demanda-t-elle au jeune homme. — Nous n'en sommes pas à apprendre notre métier, dit le démon. Si je n'avais pas été capable de faire ce que je promets, je me garderais d'inviter les gens à essayer de mon pouvoir. — Et combien cela coûte-t-il? demanda la dame. — Cinq cents roubles ! — Cinq cents roubles ! Eh bien, voilà ton argent; fais de moi une jeune femme. Le démon prit l'argent, puis il envoya le cocher de la dame dans le village. — Va, dit-il, me chercher deux jattes pleines de lait. Après quoi, il prit une paire de pinces, saisit la dame par les pieds, la plongea dans la fournaise et la brûla. Il ne resta d'elle rien que les os. Quand les jattes de lait furent apportées, il les vida dans un grand baquet, puis il rassembla tous les os et les jeta dans le lait. 0 merveille! au bout d'environ trois minutes, la dame sortit du lait vivante, jeune et belle. Alors, elle monta dans sa voiture et rentra chez elle. Elle alla se camper devant son mari, qui la regarda de tous ses yeux, sans pouvoir reconnaître sa femme. — Qu'est-ce que tu as donc à me regarder comme cela ? dit la dame. Je suis jeune et élégante, comme tu vois, et je ne veux pas d'un vieux mari ; va-t'en tout de suite chez le forgeron, et dis-lui de faire de toi un jeune homme ; si tu ne le faisais pas, je ne voudrais jamais plus te reconnaître. Il n'y avait pas a hésiter, le seigneur partit. Or, pendant ce temps, le forgeron était revenu chez lui et était rentré dans la forge. Il regarda autour de lui, et il ne vit pas son ouvrier. Il chercha, chercha, questionna, questionna, ne put rien apprendre. On ne trouva pas trace du jeune homme. Le forgeron se mit donc à l'ouvrage, et il était en train de battre l'enclume, quand le seigneur entra et marcha droit a lui. — Fais de moi un jeune homme ! dit-il. — Avez-vous votre bon sens, seigneur comte ? comment puis-je faire de vous un jeune homme ? — Allons donc, tu le sais parfaitement. — Je n'en sais vraiment rien. — Tu mens, coquin ! Puisque de ma vieille femme tu as fait une jeune dame, tu peux aussi me rendre la jeunesse. Si tu ne le fais, je ne pourrai plus vivre avec elle ! — Que dites-vous ? Je n'ai jamais vu seulement votre bonne dame. — Ton ouvrier l'a vue, et c'est la même chose ; s'il sait la manière d'opérer cette métamorphose, assurément toi, qui as vieilli dans le métier, tu dois l'avoir appris il y a longtemps. Mets-toi donc à l'ouvrage tout de suite; si tu refuses, il t'arrivera malheur. Je te ferai étriller avec une branche de bouleau. Le forgeron fut obligé d'essayer de transformer le seigneur. Il prit à part le cocher et lui demanda comment s'y était pris son ouvrier avec la comtesse, et ce qu'il lui avait fait ; puis il se dit : Ainsi soit-il ! je ferai de même. Si je retombe sur mes pieds, c'est bon. Sinon, il n'en sera ni plus ni moins ! Alors il se mit à l'ouvrage ; il déshabilla son seigneur, le saisit par les pieds avec les pinces, le plongea dans la fournaise et commença à tirer ses soufflets. Quand le seigneur fut réduit en cendres, le forgeron recueillit ses restes et les plongea dans le lait. Puis il attendit, anxieux de voir s'il en sortirait bientôt un jeune seigneur. Le forgeron attendit une heure, deux heures. Mais rien ne venait. Il chercha dans le baquet. Il n'y trouva que des os encore tout carbonisés. À ce moment, des messagers arrivèrent à la forge pour demander, de la part de la comtesse, si le seigneur serait bientôt prêt. Le pauvre forgeron ne put que répondre que le seigneur n'était plus. Quand la comtesse apprit que le forgeron avait simplement changé son mari en cendres au lieu d'en faire un jeune homme, elle se mit dans une colère affreuse. Elle rassembla ses fidèles serviteurs et leur ordonna de mener au gibet le forgeron. Aussitôt dit, aussitôt fait. Les serviteurs coururent à la maison du forgeron, se saisirent de lui, lui lièrent les mains et le traînèrent à la potence. Tout à coup, ils virent venir le jeune homme qui servait d'apprenti au forgeron. Celui-ci leur demanda : — Où vous emmènent-ils, maître ? Ils vont me pendre, répliqua le forgeron. Et il lui raconta tout ce qui était arrivé. — Eh bien, mon oncle, dit le démon, jurez-moi que jamais plus vous ne me frapperez de votre marteau, et, qu'à l'avenir vous m'accorderez le même respect qu'avait autrefois pour moi votre père, et non seulement le seigneur ressuscitera, mais il redeviendra jeune en un instant. Le forgeron promit et jura que jamais, à l'avenir, il ne lèverait son marteau sur le démon, mais que toujours il le comblerait d'attentions. De là l'ouvrier se rendit en hâte à la forge, et peu après revint amenant le seigneur avec lui et criant aux serviteurs : — Arrêtez ! arrêtez! ne le pendez pas. Voilà votre maître! Alors, les serviteurs délièrent immédiatement les cordes et délivrèrent le forgeron. Depuis lors, le forgeron cessa de cracher à la figure du démon et de le frapper de son marteau. L'ouvrier disparut, et jamais il ne revint. Quant au seigneur et à sa femme, ils recommencèrent une vie heureuse, et s'ils n'étaient pas morts, ils seraient encore vivants. [[Catégorie:Conte de l'ogre dupé]] [[Catégorie:Ralston]] [[Catégorie:Russie]]
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