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Boeuf, la hyène et le lièvre (le)
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Ce conte est issu de la Revue des Traditions Populaires n° 1-5. Il a été collecté par le docteur Colin au Sénégal. == Texte intégral == Un boeuf s'était séparé du reste du troupeau et lorsque la nuit fut venue il se trouva égaré dans la forêt. Enfin il rencontra un sentier et se mit à le suivre, pensant bien qu'il finirait par arriver à quelque endroit habité. Mais la mauvaise chance s'était attachée à lui; ce sentier le conduisit à un village en ruines où ne se trouvait plus aucun habitant. Comme l'infortuné méditait très tristement sur son malheur il entendit auprès de lui des gémissements. Il écouta, regarda et s'aperçut que ces bruits venaient d'un de ces immenses trous qu'on voit auprès de tous les villages des Noirs et qui sont formés par l'extraction de la terre dont ils se servent pour leurs contractions.<br/> — Qui est là? dit le Boeuf.<br/> — Hélas! répondit-on, je suis bien malheureux. Je passais par ici, il y a quelques jours, portant à mes petits un peu de nourriture lorsqu'une bande de chacals qui rôdaient de ce côté — qu'Allah et Mahomet confondent cette engeance ! — sont venus m'attaquer et tâcher de me ravir mon bien. En me défendant, je suis tombé dans ce trou.... et je vais mourir, si Dieu, qui est tout puissant, ne m'envoie quelque secours. Enfin, que sa volonté soit faite, ajouta l'animal, en bon musulman qu'il devait être. Le Boeuf avait reconnu la voix du Bouki<ref>Hyène.</ref>.<br/> — Ah, ah! dit-il, c'est toi, canaille, qui es en train de crever là-dedans. Eh bien ma foi, restes-y ; ce n'est pas moi qui t'en tirerai. Tu n'as que ce que tu mérites, voleur, pillard, mangeur de veaux, de moutons et d'enfants.<br/> — Que le monde est méchant ! gémit le Bouki. Voilà bien comment on fait les réputations. Moi qui rends les plus grands services à la nature entière et spécialement à ces misérables hommes qui nous exploitent, en les débarrassant de tous les cadavres en putréfaction qui, sans moi, rendraient bientôt la terre inhabitable ! Comment, toi, Boeuf, un animal aussi intelligent, tu te laisses prendre à ces sornettes. Sache-le bien, jamais, au grand jamais, je n'ai touché un être vivant; ce n'est pas dans mes goûts. Crois-moi. Un mourant ne ment pas, et je vais mourir, hélas! et mes petits aussi, car qui les nourrira, les pauvres innocents?.... Mais.... toi-même, bon Boeuf, que peux-tu faire ici à une pareille heure, dans cet endroit désert?<br/> — Je me suis perdu, dit le Boeuf, et la nuit tombant, ne sachant plus où j'étais, j'ai pris le premier sentier que j'ai rencontré, espérant qu'il me conduirait à un endroit habité où je trouverais toujours un abri pour la nuit. Mais je m'aperçois que le sort ne m'a pas favorisé. Ah ! je suis bien fatigué.<br/> — Allah! répliqua le Bouki, mais ta situation ne vaut guère mieux que la mienne. Ces ruines et les bois qui les entourent sont remplis de lions et de panthères ; tu auras de la chance si tu vois se lever le soleil. Et de quel village est ton troupeau?<br/> — D'Oréfondé, dit le Boeuf.<br/> — D'Oréfondé, mais c'est à deux pas d'ici! Avec un guide, en coupant à travers bois, tu y serais dans une heure. Ecoute, nous sommes tous les deux dans une situation désespérée; eh bien ! service pour service ; tire-moi de ce trou et je te conduirai de suite à ton village. Je connais le pays; je le parcours toutes les nuits depuis longtemps. Crois-moi et n'ajoute aucune foi aux racontars absurdes que tu as pu entendre à mon sujet.<br/> — Très bien, dit le Boeuf, mais cela ne me paraît point commode de te tirer de là, comment faire ?<br/> — Rien de plus facile au contraire, bon Boeuf ! Tu vas t'accroupir au bord du trou en laissant pendre ta queue; je m'y accrocherai avec les dents et en te relevant tu me remonteras jusqu'à l'orifice. Mais fais vite, car je meurs. Le Boeuf, bonne bête, très inquiet d'ailleurs depuis qu'il venait d'apprendre que les lions fourmillaient aux environs, pensa qu'après tout il valait mieux avoir affaire à une hyène fatiguée qu'à un lion affamé et dispos, et il hala hors de son trou le Bouki qui se confondit en remerciments. Tous deux se mirent en route. Ils marchaient, ils marchaient, et le Bouki entraînait le Boeuf dans les fourrés les plus inextricables. Celui-ci n'en pouvait plus.<br/> — Où me mènes-tu ? disait-il à chaque instant.<br/> — Viens, viens, répondait le Bouki, c'est la route la plus courte. Enfin, le malheureux Boeuf fut complètement rendu, le Bouki le fit sortir du fourré, et le Boeuf s'aperçut qu'ils avaient fait une longue route en décrivant un cercle, car ils étaient revenus à leur point de départ, à ce même village en ruines perdu au milieu des bois. Le Bouki, le voyant à bout de forces, commença alors à l'attaquer carrément. Le pauvre Boeuf se défendait de son mieux, et tout en se défendant, il accablait d'imprécations le Bouki qui lui répondait par son rire effroyable. Les premières lueurs de l'aube blanchissaient l'Orient et un lièvre, sorti de son gite, jouait au milieu des ruines. Il aperçut les combattants.<br/> — Quel bruit vous faites, leur dit le ''Bourom nop''<ref>Le maître des oreilles.</ref>, mes oreilles en tremblent. Qu'y a-t-il ? Qu'avez-vous à vous battre ainsi ?<br/> — Croirais-tu, dit le Boeuf, que voilà un misérable Bouki auquel j'ai sauvé la vie tout à l'heure et qui maintenant essaye de me dévorer ? Il se mourait dans ce trou. Je l'en ai tiré parce qu'il me promettait de me reconduire à mon village. Il m'a fait marcher toute la nuit et maintenant que je suis presque mort de fatigue, il m'attaque pour m'étrangler.<br/> — Pas du tout, dit le Bouki, ce Boeuf ment. C'est lui qui en passant m'a précipité dans ce trou d'un coup de tête et si je n'avais pas l'habitude de gratter la terre je n'en serais jamais sorti.<br/> — Voyons, dit le Lièvre, moi, je ne comprends pas du tout. Il me paraît en effet impossible que ce Boeuf ait pu te sortir de ce trou. Descends-y donc de nouveau pour que je puisse juger en toute connaissance de cause. Le Bouki, flatté qu'on crût ses paroles, saute dans le trou, et alors le Lièvre dit au Boeuf :<br/> — Reprends ta route, va où tu voudras, mais n'oublie pas qu'il ne faut jamais obliger les méchants sous peine de devenir leur victime. Puis il fit une pirouette et disparut dans le taillis. <references/> [[Catégorie: Conte d'animaux]] [[Catégorie: Revue des Traditions Populaires, année 1886]] [[Catégorie: Docteur Colin]] [[Catégorie: Sénégal]]
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