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Enfant, le crocodile et l'âne (l')
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Ce conte est issu de la Revue des Traditions Populaires n° 1-5. Il a été collecté par le docteur Colin au Sénégal. == Texte intégral == Les pluies finissaient; le fleuve rentrait dans son lit, les plaines et les bois inondés se desséchaient peu à peu et les cultivateurs accompagnés de leur famille commençaient à aller voir les champs de sorgho qu'ils avaient ensemencés au commencement de la saison et à élever au milieu d'eux de petits miradors du haut desquels les enfants chassent les oiseaux, soit en leur lançant des pierres avec une fronde, soit en agitant une infinité de cordes qui partent du mirador pour rayonner de tous côtés au-dessus des tiges de sorgho et qui soutiennent une quantité de brimborions, os de mouton, morceaux de calebasses, paquets de plumes, chiffons, destinés à effrayer ces oiseaux par leur bruit ou par leur aspect. Perché sur un de ces miradors, un enfant aperçut au milieu du champ un jeune crocodile qui poussait des lamentations et pleurait... de vraies larmes de crocodile sans aucun doute.<br/> — Qu'est-ce que tu fais là, si loin de l'eau, Norwa<ref>Nom peulh du crocodile</ref>, lui cria-t-il ?<br/> — Les eaux se sont retirées brusquement pendant mon sommeil, répondit le crocodile; je ne sais plus de quel côté se trouve le fleuve; voilà plusieurs jours déjà que j'ai cherché vainement à me diriger vers lui; je n'ai pu l'atteindre. Je meurs de faim et de chaleur.<br/> — Tant mieux, Norwa, dit l'enfant. L'année dernière, ton père a coupé le bras de mon petit frère. Et il lui lança une grosse pierre.<br/> — Il est possible, dit le crocodile, qu'un de mes pareils ait attaqué un des tiens; mais vous, les hommes, vous n'êtes pas bons non plus; vous cherchez à nous tuer à coups de harpon, à coups de fusil, pour nous manger ensuite. Si de temps en temps quelqu'un des nôtres avale quelqu'un de vous, c'est de bonne guerre. Mais si tu veux, faisons un pacte. J'appartiens à une famille puissante; mon père est le chef de tous les crocodiles du fleuve, et comme il m'aime tendrement il va être désolé de ma perte. Reconduis-moi au fleuve, et je te promets que ni moi ni aucun crocodile n'attaquera à l'avenir personne de ta famille ou même de ton village. L'enfant avait à côté de lui un petit Coran que son père, homme lettré et bon croyant, avait apporté là pour faire des lectures pieuses tandis qu'il surveillait ses champs. Il le prit, s'approcha du crocodile à moitié mort, et lui posant la patte droite sur le livre sacré : « Jure que ce que tu viens de me promettre sera fidèlement exécuté, Norwa, dit-il. » Le crocodile jura immédiatement. Il aurait juré sur la pierre noire de la Mecque si elle se fût trouvée là. L'enfant le prit alors sur sa tête et le porta jusqu'au bord du fleuve. Arrivé là, le crocodile lui dit :<br/> — Porte-moi encore un peu dans l'eau, car je me sens si faible que je ne puis faire un pas. L'enfant confiant entra dans l'eau, mais dès qu'il en eut jusqu'à la ceinture, le crocodile fit un bond, plongea, le saisit par une jambe et chercha à l'entraîner au milieu du fleuve, tandis que lui se cramponnait à la branche d'un arbre mort échoué en cet endroit. Enfin le crocodile lui coupa la jambe et disparut, tandis que l'enfant demeurait accroché à l'arbre en appelant du secours de toutes ses forces. Un vieil âne, au dos couvert de plaies, paissait sur la berge. Il redressa sa tête harassée par toute une vie de misère :<br/> — Qu'as-tu à crier ainsi ? demanda-t-il à l'enfant.<br/> — Je viens de rapporter au fleuve un crocodile qui se mourrait dans mon longan <ref>Champ cultivé.</ref>, et pour me remercier il vient de me couper la jambe.<br/> — Aussi pourquoi as-tu été si bête ? répondit l'âne impitoyable. Regarde-moi ; j'ai travaillé toute ma vie pour mes maîtres ; je les ai enrichis ; j'ai porté plusieurs fois leurs marchandises dans le Boure, le Ouassoulou, le Haoussa, d'où ils sont revenus conduisant de nombreux captifs chargés d'or et d'ivoire. Aujourd'hui je suis vieux et on ne me donnerait seulement pas un épi de sorgho. Que ton aventure t'apprenne, pour ta gouverne, que l'ingratitude est la loi du monde et que l'on est le plus souvent récompensé par le mal du bien que l'on a pu y faire. Et ayant dit ces paroles amères, le ''mbaba'' se remit à manger philosophiquement ses derniers chardons. <references/> [[Catégorie: Conte d'animaux]] [[Catégorie: Revue des Traditions Populaires, année 1886]] [[Catégorie: Docteur Colin]] [[Catégorie: Sénégal]]
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