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Géant Calabardin et la princesse aux cheveux d'or (le)
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Ce conte, issu du n° 1-3 de la Revue des Traditions Populaires, a été collecté en Basse-Bretagne par François-Marie Luzel auprès de Marguerite Philippe. == Texte intégral == :Il y avait une fois, il y aura un jour : :C'est le commencement de tous les contes. :Il n'y a ni ''si'' ni ''peut-être'', :Le trépied a toujours trois pieds. Il y avait une fois en France un roi puissant, qui avait un fils unique. Non loin de la ville où il faisait sa résidence, se trouvait une grande forêt, qui était pleine de botes fauves et d'animaux nuisibles aux agriculteurs, comme loups, sangliers et renards; et souvent il arrivait des plaintes au roi, au sujet des dommages causés par ces animaux. Si bien qu'il dit qu'il fixerait un jour pour faire une grande chasse et qu'il y inviterait les plus habiles chasseurs du royaume. Le jeune Prince, qui était un intrépide chasseur, dit alors à son père :<br/> — A quoi bon, mon père, inviter tant de monde pour détruire quelques loups et quelques sangliers ? pas n'est besoin d'avoir recours aux habiles chasseurs de votre royaume, et, si vous voulez le permettre, mon valet de chambre et moi, sans l'aide de personne autre, nous aurons bien vite purgé la forêt de tous ses animaux nuisibles. Le jeune Prince pouvait chasser partout où bon lui semblait, excepté dans cette forêt seulement, dont son père lui avait interdit l'entrée. Et, comme cela arrive presque toujours, son désir d'y pénétrer n'en était que plus grand. Enfin, il insista tant, que le roi lui permit d'y aller chasser avec son valet de chambre. Cependant il leur dit qu'il était prudent de se faire accompagner d'une cinquantaine de soldats, parce qu'il y avait dans le bois certains endroits dangereux.<br/> — Bah! bah! reprit le Prince, à quoi bon des soldats, pour nous empêcher de chassera notre aise? vous pouvez bien nous laisser aller tous les deux, sans crainte; nous ne sommes pas gens à avoir peur d'un sanglier ou d'un loup, nous en avons vu bien d'autres.<br/> — Allez tous les deux, seuls, puisque vous le voulez, répondit le roi ; mais, promettez-moi de ne pas vous séparer, une fois sous le bois, et de ne pas revenir à la maison l'un sans l'autre. Ils le promirent, et partirent alors, tout heureux et rêvant de beaux exploits. Mais, à peine eurent-ils pénétré dans le bois, que le Prince, tenant peu de compte de la recommandation de son père, dit à son compagnon :<br/> — Séparons-nous, allons chacun de son côté, et ainsi nous ferons meilleure chasse. Au coucher du soleil, nous nous retrouverons en cet endroit, pour retourner ensemble à la maison. Et ils se séparèrent. Il se trouva que le Prince prit la mauvaise route, celle qui conduisait à l'endroit dangereux dont avait parlé son père. Il vit bientôt une biche, assise sur son derrière, et qui le regardait tranquillement venir. Il la coucha enjoué et il allait tirer, lorsqu'il fut bien surpris de l'entendre lui adresser ainsi la parole :<br/> — Oseriez-vous bien tirer sur moi, fils du roi de France ?<br/> — Comment ! vous parlez donc, dans la langue des hommes ?<br/> — Oui, et je vous dirai même qu'il faut que vous me promettiez de m'épouser, ou vous ne partirez pas en vie d'ici.<br/> — Dieu, que dites-vous là ? épouser une biche, moi, un chrétien !<br/> — Oui, ou attendez-vous à mourir, sur l'heure; choisissez.<br/> — Je ne veux pas mourir si jeune.<br/> — Revenez demain ici, avec votre valet de chambre, et je vous en dirai plus long; mais n'y manquez pas, ou malheur à vous! La biche s'enfonça alors dans la profondeur du bois, et le Prince revint à la maison, triste et pensif. Quand il arriva, son valet était déjà de retour, depuis quelque temps, et le roi l'avait fait jeter en prison, parce qu'il était revenu seul, malgré sa recommandation. Mais le Prince dit que c'était sa faute à lui seul, qu'il n'avait pas été exact au rendez-vous, et le valet fut remis en liberté. Le soir, vers la fin du repas, comme on causait de choses et d'autres, la conversation tomba sur la chasse; chacun racontait quelqu' exploit, tous plus forts les uns que les autres.<br/> — Parlez-nous donc aussi de votre chasse d'aujourd'hui, dit le roi à son fils; je crois voir que vous n'avez pas été heureux, car vous n'avez pas votre gaieté habituelle.<br/> — Non, mon père, je n'ai pas été heureux : je n'ai rien pris, mais il m'est arrivé une bien singulière aventure.<br/> — Eh quoi donc? contez nous cela.<br/> — Arrivés dans la forêt, nous nous séparâmes, mon valet et moi, et nous prîmes des directions opposées. A peine eus-je fait quelques pas, que j'aperçus, dans une clairière, une biche assise sur son derrière et qui me regardait tranquillement. Je la couchai en joue et j'allais tirer, lorsque je fus étonné de l'entendre parler, dans la langue des hommes, et me dire qu'il me faudrait l'épouser.<br/> — Hélas ! dit le roi, en l'interrompant, vous n'avez pas suivi ma recommandation! Je vous avais conseillé de vous faire accompagner de cinquante hommes, ou du moins de ne pas vous séparer, dans le bois, de votre compagnon, et vous ne m'avez pas obéi. A présent , le mal est fait, et il vous faudra épouser la biche !<br/> Et le vieux roi devint tout triste et pensif. Le lendemain, le jeune Prince retourna à la forêt, accompagné de son valet de chambre, comme la veille. Il trouva la biche qui l'attendait, au lieu du rendez-vous.<br/> — Suivez-moi, lui dit-elle. Et elle marcha devant, et le Prince et son valet la suivirent. Ils traversèrent une grande lande, puis ils arrivèrent dans une grande prairie, au milieu de laquelle s'élevait, comme une énorme taupinière, un petit monticule. Ils allèrent droit à ce monticule. La biche y pénétra, par une ouverture qui se trouvait au levant, et le Prince et son valet y pénétrèrent aussi, à sa suite.<br/> — Comme il fait sombre ici ! se disaient-ils, peu rassurés. Ils descendirent longtemps, longtemps, et finirent par arriver dans un pays où rien ne leur paraissait être comme dans le monde qu'ils venaient de quitter. Les plantes et les animaux étaient tous différents, le soleil était plus brillant, l'air plus pur et tout parfumé. Ils virent aussi un château magnifique, et ne purent s'empêcher de s'écrier :<br/> — Ô le beau château !<br/> — Ce n'est rien que cela, leur dit alors la biche, vous en verrez de bien plus beaux. Et en effet, un peu plus loin, ils virent un second château, bien plus beau que le premier. Et comme ils s'extasiaient encore à la vue de cette merveille :<br/> — Avançons, leur dit la biche, vous en verrez un autre plus beau encore. Et ils arrivèrent tôt après devant un troisième château, tout d'or massif; et il était si brillant, si radieux (car le soleil donnait en plein dessus), qu'ils ne pouvaient le regarder.<br/> — C'est le château de mon père, leur dit la biche. Et ils entrèrent tous les trois. Tout le château était peuplé de cerfs et de biches et, en entrant, ils virent dans la cour un troupeau de cerfs, portant des fusils et faisant l'exercice, comme des soldats. La biche présenta ses hôtes à son père, un vieux cerf avec une ramure superbe, puis elle leur fit visiter le château et les jardins. Partout ils s'extasiaient sur la beauté de ce qu'ils voyaient et s'écriaient :<br/> — Que c'est beau! Dieu que c'est beau ! Un jour, la biche dit au Prince :<br/> — Voilà déjà un mois que vous êtes ici...<br/> — Un mois, déjà! il me semblait qu'il n'y avait pas même huit jours, s'écria-t-il.<br/> — Il y a pourtant bien un mois; si nous nous mariions, à présent ?<br/> — Quand vous voudrez, puisque je dois vous épouser.<br/> Et le jour du mariage fut fixé au lendemain. On se rendit à l'église, en grande cérémonie; mais, à l'exception du Prince et de son valet, tout le cortège se composait de cerfs et de biches, et le prêtre lui même était un vieux cerf, habillé en évêque, avec une belle mitre d'or sur la tête. Les anneaux étaient sur un plat d'or. L'évêque pria le Prince de passer la bague au pied gauche de devant de sa fiancée. Il la prit sur un plat d'or et, dès qu'il eut touché le pied de la biche, celle-ci se changea en une princesse, belle comme le jour. Et aussitôt tous les cerfs et les biches qui assistaient à la cérémonie devinrent aussi des princes, des princesses et des seigneurs et des prêtres ! Tous s'empressaient autour du jeune prince, en lui disant :<br/> — Mille bénédictions sur vous! Il y a si longtemps que nous étions ici, retenus sous un enchantement, par le géant Calabardin, et vous nous en avez délivrés.<br/> Et ils retournèrent alors au château, pleins de joie et de bonheur, et il y eut un festin magnifique. Quand l'heure fut venue d aller dormir, le Prince voulut accompagner sa jeune femme dans sa chambre :<br/> — Non, lui dit-elle; pas encore. Pendant trois nuits de suite, vous me conduirez jusqu'à la porte de ma chambre, puis, quand j'y aurai été trois heures, à chaque fois, vous reviendrez me prendre, mais, sans jamais entrer dans ma chambre, ni même essayer de voir ce qui s'y passe. Après ces trois nuits, je serai complètement libre, et je vous suivrai alors, partout où vous voudrez, si vous faites exactement ce que je vous ai dit. Le Prince fut un peu contrarié, il faut l'avouer; pourtant, il conduisit sa femme, la première nuit, jusqu'à la porte de sa chambre, puis il s'en alla et revint la chercher, au bout de trois heures. La seconde nuit, il fit de même. Mais, la troisième nuit, la curiosité l'emporta : il regarda par le trou de la serrure, et il vit la Princesse qui peignait ses cheveux d'or, avec un peigne d'or, et, à chaque coup de peigne, des pièces d'or tombaient de sa tète sur un plat d'or. Il fut bien étonné de ce qu'il voyait.<br/> — Qu'est ceci ? se dit-il. Quand il revint la chercher, après les trois heures écoulées, comme les deux nuits précédentes, il ne la retrouva plus. Le voilà bien inquiet. Il alla trouver le père de la princesse et lui raconta ce qui s'était passé.<br/> — Hélas ! lui dit le vieillard, votre curiosité fait votre malheur, et celui de ma fille aussi. Le géant Calabardin l'a enlevée et emmenée, par delà la mer Rouge, à son château de Rozdufort. Ce château est suspendu au-dessus de la mer Noire, entre le ciel et l'eau, et nul mortel ne peut y parvenir. Cet or que vous avez vu tomber de la tête de ma fille était pour Calabardin. Elle avait encore trois douzaines de plats d'or à lui fournir, pour être délivrée complètement, et la voilà retombée, pour longtemps, en son pouvoir ! Le Prince fut désolé de ce qu'il apprenait, et il partit sur-le-champ à la recherche de la princesse, et jura de ne s'arrêter, ni le jour ni la nuit, jusqu'à ce qu'il l'eût retrouvée. Son fidèle valet ne voulut pas l'abandonner, et il l'accompagna. Ils allaient, ils allaient, sans jamais s'arrêter, et demandant partout des nouvelles du géant Calabardin et de son château. Mais, personne n'en savait rien. Ils avaient passé la mer Blanche et la mer Rouge, sans avoir recueilli aucun bon renseignement. A force de marcher, le Prince arriva dans un grand désert de sable. (Son valet avait fini par l'abandonner, et s'en était retourné dans son pays). Ne trouvant plus d'habitation et réduit à se nourrir d'herbes et de quelques fruits sauvages, il était bien faible et faisait pitié à voir : mais le courage ne l'abandonnait pas, et il allait toujours devant lui, au hasard et à la garde de Dieu. Il arriva un jour auprès d'un grand arbre, et sous les branches de cet arbre, il vit un tas de bois sec amassé et disposé comme pour un feu de joie. Cela l'étonna et lui fit plaisir. Il y avait longtemps qu'il n'avait pas rencontré d'hommes, et il se dit que des hommes seuls avaient pu disposer de la sorte ce tas de bois. C'était après le coucher du soleil; la nuit approchait, et il résolut de la passer sur l'arbre, persuadé que ceux qui avaient amassé et disposé le bois comme un bûcher y viendraient mettre le feu, tôt ou tard. Il monta donc sur l'arbre, et attendit. Au bout de quelque temps, il vit venir un homme d'une taille très élevée. Il vint jusqu'à l'arbre, et s'arrêta dessous en disant :<br/> — Voilà sept cents ans que je partis d'ici! Je voudrais savoir ce que sont devenus mes deux frères. Nous nous étions donné rendez-vous au pied de cet arbre, et nous étions convenus que le premier arrivé mettrait le feu au bûcher que nous construisîmes, avant de nous séparer, et que je retrouve encore intact.<br/> Et il alluma le feu. Un moment après, le prince vit venir un second homme, qui, voyant le feu allumé, leva les mains au ciel et s'écria :<br/> — Dieu soit loué ! un, au moins, de mes frères vit encore !<br/> Et, hâtant le pas, il se jeta dans les bras du premier arrivé, et ils éprouvèrent une grande joie de se retrouver. Un troisième arriva, tôt après :<br/> — Tous les trois en vie! s'écrièrent-ils. Et ils s'embrassèrent, en pleurant de joie, puis ils s'assirent autour du feu et se racontèrent réciproquement leurs aventures et ce qu'ils en rapportaient.<br/> — Moi, dit l'aîné, j'ai une épée, — la voici, — et quand je lui dis : « Besogne mon épée ! » elle abat cent hommes, à chaque coup : on a bien vite détruit toute une armée, avec une arme semblable.<br/> — Moi, dit le second, j'ai des bottes (les voici), et quand je dis « Cent ou cinquante » je fais cent ou cinquante lieues, à mon choix, à chaque enjambée.<br/> — Et moi, dit le troisième, j'ai une serviette (la voici), et quand je lui dis : « Serviette, fais ton devoir! » aussitôt je trouve servis dessus tous les mets et toutes les boissons que je désire.<br/> — Eh ! bien, reprit l'ainé, avec notre épée, nos bottes et notre serviette, je pense que nous n'avons pas nos pareils sur la terre, et, à nous trois, nous pourrons faire tout ce que nous voudrons.<br/> — Eprouvons d'abord le pouvoir de la serviette, dit le second, car j'ai, ma foi, bon appétit.<br/> Alors le plus jeune des trois frères étendit sa serviette sur le gazon, au pied de l'arbre, et lui dit : « Serviette, fais ton devoir. » Et aussitôt elle se couvrit de pain blanc, de lard, de saucisses, de rôti, de vin et de cidre délicieux ! Et les voilà de manger et de boire, sans se faire prier, et de trinquer à leur heureuse rencontre. Ils trinquèrent même si souvent, que le vin et le cidre leur montèrent à la tête, et ils ne tardèrent pas à s'endormir, autour du feu. Cependant le Prince ne dormait pas, sur son arbre ; il n'avait pas perdu un mot de ce que les trois frères s'étaient dit, et profitant de leur ivresse et de leur sommeil, il parvint à s'emparer de l'épée, que l'aîné avait suspendue à une branche basse de l'arbre. Quand il la tint, il dit : « Par la vertu de mon épée, que les trois frères soient tués et hachés en menus morceaux ! » Et aussitôt l'épée sortit d'elle-même du fourreau et, comme une enragée, elle se mit à frapper les dormeurs, à coups si pressés, que, dans un instant, ils furent réduits en morceaux menus comme chair à pâtée. Le Prince prit alors, avec l'épée, les bottes et la serviette, et partit. Grâce à ses bottes, il fit beaucoup de chemin, en peu de temps. Il arriva dans une grande plaine, au milieu de laquelle il vit comme une immense taupinière. Il alla droit à la butte. La mère des vents était assise sur le sommet, avec la figure ridée comme une vieille pomme, ses cheveux blancs dénoués et flottants, et sa dent unique et longue qui branlait dans sa mâchoire supérieure.<br/> — Bonjour, grand'mère, lui dit le Prince.<br/> — Bonjour, mon fils, répondit la vieille; de quel pays es-tu ?<br/> — De la Basse-Bretagne.<br/> — Ah! oui, je connais ce pays-là, et mes fils y vont souvent ; mais c'est loin d'ici.<br/> — Auriez-vous la bonté, grand'mère, de me donner l'hospitalité, pour une nuit seulement ?<br/> — Loger chez moi ! Hélas ! mon pauvre enfant, tu t'adresses mal; j'ai trois fils, qui sont des gars bien terribles, et je crains... Mais n'importe, ta mine et tes façons me plaisent, et je te logerai et je te défendrai contre mes fils. Ils arriveront bientôt, avec un vacarme épouvantable, et prêts de mourir de faim, et ils voudront t'avaler, tout de suite. Mais, n'aie pas peur, je saurai bien les mettre à la raison. Et la vieille introduisit le Prince dans sa hutte, faite de branchages, à travers lesquels tous les vents pénétraient, en sifflant. Puis, elle s'occupa de préparer à manger à ses fils. Tôt après, arrivèrent ensemble dix grands vents, avec un bruit épouvantable. Les cailloux volaient dans la plaine, les arbres craquaient et sifflaient; — c'était effrayant! Ils firent invasion ensemble dans la hutte en criant : « Nous avons faim ! nous avons faim, mère ! » Puis, tout-à-coup, un d'eux dit:<br/> — Je sens odeur de chrétien, et je veux le manger, à l'instant!<br/> — Je voudrais bien voir, par exemple ! répondit la vieille; manger mon neveu, le fils de mon frère, qui est venu me voir, un si gentil garçon ! Et comme ils ne se montraient guère disposés à obéir, elle prit un tronc de jeune ormeau, qu'elle avait déraciné dans son courtil, et se mit à corriger ses fils, frappant sans pitié.<br/> — Assez, mère! criaient-ils, assez ! nous ne ferons pas de mal à notre cousin !<br/> — A la bonne heure! mettez-vous à table, et je vais vous servir à manger. Et ils devinrent soumis comme des enfants. Le Prince s'assit à la même table qu'eux; puis, le repas fini, ils se réunirent autour du feu, pour causer, et les voilà grands amis.<br/> — Où vas-tu aussi, cousin ? demanda le Vent du Nord.<br/> — Je suis à la recherche du château du géant Calabardin, cousin ; si vous pouviez m'en donner des nouvelles, vous me feriez grand plaisir.<br/> — J'arrive de là précisément ! Demain, le géant doit se marier avec la Princesse aux Cheveux d'Or, et il y aura un festin magnifique, et, comme il fait très chaud par là, il faut que je m'y trouve, pour souffler sur les mets et les refroidir.<br/> — Ah ! si vous vouliez m'emmener avec vous, cousin ?<br/> — Je le veux bien, si tu peux me suivre.<br/> — Je ferai mon possible ; je marche bien, allez ! Le lendemain, le Vent du Nord et le Prince partirent ensemble, de bonne heure. Le Prince avait mis ses bottes merveilleuses et le Vent du Nord avait beau aller vite, il était toujours sur ses talons, ce qui l'étonnait beaucoup. Enfin, après avoir traversé bien des pays et des mers, ils arrivèrent aussi au château du géant Calabardin, lequel château, comme je l'ai déjà dit, était suspendu au-dessus de la mer Noire, entre le ciel et l'eau.<br/> — A présent, dit le Vent du Nord au Prince, je vais te jeter, avec un souffle, par dessus les murs, dans le château.<br/> Et il souffla sur lui, et le porta tout droit dans la chambre de la Princesse, dont la fenêtre était ouverte. La Princesse dormait, étendue sur son lit d'or et de soie. Mais elle se réveilla, au bruit que le Prince fit en tombant sur le plancher de sa chambre, et se mit à crier au voleur. Ses femmes accoururent et, voyant un étranger dans la chambre de leur maîtresse, elles allèrent avertir le géant. Celui-ci dépêcha douze serviteurs pour s'emparer de lui et le jeter en prison. Mais le Prince ne s'en effraya pas. En voyant venir les douze valets, il dégaina son épée et dit : « Besogne, ma bonne épée ! Qu'ils soient mis en morceaux menus comme chair à pâtée ! » Et l'épée tomba sur eux, comme une enragée, et en un moment ce fut fini ! Cependant la Princesse avait reconnu son mari. Elle lui témoigna une grande joie de le revoir, et persuadée, après ce qu'elle venait de voir, qu'il réussirait à la délivrer encore du géant Calabardin, elle lui dit :<br/> — Ah ! il était grandement temps que vous vinssiez,car j'allais me marier avec lui, aujourd'hui même !<br/> Puis, ils s'entendirent sur les moyens de s'enfuir du château.<br/> — Le géant, lui dit-elle, reconnaîtra ton épée, tes bottes et ta serviette. Sachant bien que tu n'as rien à craindre de lui, aussi longtemps que tu les auras en ta possession, il usera de ruse, pour tâcher de te les enlever, et te fera bonne mine. Il t'invitera à visiter avec lui son château et toutes les merveilles dont il est rempli. Après t'avoir conduit partout, il te proposera de te faire voir aussi la chambre où sont ses magies et ses instruments de sorcellerie, en te disant que tu n'as jamais vu rien d'aussi merveilleux. Mais, garde-toi bien d'entrer dans cette chambre, ou tu es perdu à jamais. En effet, le géant vint vers le Prince, avec un air gracieux, et lui dit :<br/> —Bonjour, fils du roi de France ; je suis très honoré de votre visite... Tiens ! mais je reconnais cette épée, ces bottes et cette serviette que vous portez ! C'est l'épée de mon grand'père, ce sont les bottes de mon père et la serviette de mon oncle. Quel homme vous êtes, avec toutes ces merveilles ! Vous n'avez pas votre égal sur la terre ! Mais, venez avec moi à ma chambre des magies, et si vous avez des choses merveilleuses, des talismans précieux, je vous en ferai voir de plus merveilleux encore.<br/> — Non, non ! je ne m'y laisserai pas prendre comme un nigaud, Calabardin.<br/> Et, dégainant aussitôt son épée, il dit : « Besogne, ma bonne épée ! que le géant Calabardin soit, sur le champ, haché en morceaux menus comme chair à pâtée ! » Et l'épée se précipita sur le géant, comme si elle eût été enragée, et, en un moment, elle l'eut haché en morceaux menus comme chair à pâtée. Puis, le Prince dispersa les morceaux, à droite, à gauche, dans toutes les directions, pour les empêcher de se rejoindre et de se reconstituer en un corps vivant. La Princesse dit alors à son libérateur :<br/> — Nous voilà enfin délivrés à toujours du méchant géant Calabardin ! Son château, avec tout ce qui s'y trouve, nous appartient, et il viendra avec nous dans mon pays. Grâce aux livres du géant, qui renferment toute sa magie et sa sorcellerie, nous l'enlèverons facilement.<br/> Et ils montèrent tous les deux dans le char de Calabardin, qui s'éleva aussitôt et les emporta à travers les airs, et le château les suivit par le même chemin. Quand ils arrivèrent au pays de la Princesse aux Cheveux d'Or, son père était mort.<br/> — A présent, dit alors la Princesse au Prince, vous serez roi, à la place de mon père.<br/> — Je le veux bien, répondit-il, mais je désire que mes parents assistent à mon mariage. Et il alla chercher son père et sa mère, dans son pays, et quand il revint avec eux, on célébra aussitôt le mariage et, pendant un mois entier, il y eût des fêtes et des festins magnifiques, auxquels furent invités les pauvres comme les riches. :Rien ne manquait là, :Ni massepains ni macarons, :Ni crêpes épaisses ni crêpes fines, :Ni bouillie cuite ni bouillie à cuire, :Ni bouillie fermentée ni bouillie non fermentée. :Un homme faisait le tour des tables, armé d'une cuiller à pot :Et demandant : — Qui veut de la bouillie par là ? :Il y avait là jusqu'à un cochon, :Cuit d'un bout, vivant de l'autre. :Moi aussi j'étais par là, avec mon bec frais, :Et, comme j'avais bon appétit, je mordis vite. :Mais un grand diable de cuisinier accourut, :Et avec ses sabots à bouts pointus :Il me donna un coup du pied dans le derrière :Et me lança sur le sommet de la montagne de Bré, :Et si j'en suis revenue, :C'est pour vous conter tout ceci. [[Catégorie: Conte merveilleux]] [[Catégorie: AT 0400]] [[Catégorie: Revue des Traditions Populaires, année 1886]] [[Catégorie: François-Marie Luzel]] [[Catégorie: Marguerite Philippe]]
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