Géant Calabardin et la princesse aux cheveux d'or (le)
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− | Ce conte, issu du n° 1-3 de la Revue des Traditions Populaires, a été collecté en Basse-Bretagne par | + | Ce conte, issu du n° 1-3 de la Revue des Traditions Populaires, a été collecté en Basse-Bretagne par François-Marie Luzel auprès de Marguerite Philippe. |
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nuisibles aux agriculteurs, comme loups, sangliers et renards; et souvent il arrivait des plaintes au roi, au sujet des dommages causés | nuisibles aux agriculteurs, comme loups, sangliers et renards; et souvent il arrivait des plaintes au roi, au sujet des dommages causés | ||
par ces animaux. Si bien qu'il dit qu'il fixerait un jour pour faire une grande chasse et qu'il y inviterait les plus habiles chasseurs | par ces animaux. Si bien qu'il dit qu'il fixerait un jour pour faire une grande chasse et qu'il y inviterait les plus habiles chasseurs | ||
− | du royaume. Le jeune Prince, qui était un intrépide chasseur, dit alors à son père : | + | du royaume. Le jeune Prince, qui était un intrépide chasseur, dit alors à son père :<br/> |
− | + | — A quoi bon, mon père, inviter tant de monde pour détruire quelques loups et quelques sangliers ? pas n'est besoin d'avoir | |
− | — A quoi bon, mon père, inviter tant de monde pour détruire | + | |
− | quelques loups et quelques sangliers ? pas n'est besoin d'avoir | + | |
recours aux habiles chasseurs de votre royaume, et, si vous voulez | recours aux habiles chasseurs de votre royaume, et, si vous voulez | ||
le permettre, mon valet de chambre et moi, sans l'aide de personne | le permettre, mon valet de chambre et moi, sans l'aide de personne | ||
− | autre, nous aurons bien vite purgé la forêt de tous ses animaux | + | autre, nous aurons bien vite purgé la forêt de tous ses animaux nuisibles. |
− | nuisibles. | + | |
Le jeune Prince pouvait chasser partout où bon lui semblait, | Le jeune Prince pouvait chasser partout où bon lui semblait, | ||
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permit d'y aller chasser avec son valet de chambre. Cependant il | permit d'y aller chasser avec son valet de chambre. Cependant il | ||
leur dit qu'il était prudent de se faire accompagner d'une cinquantaine de soldats, parce qu'il y avait dans le bois certains endroits | leur dit qu'il était prudent de se faire accompagner d'une cinquantaine de soldats, parce qu'il y avait dans le bois certains endroits | ||
− | dangereux. | + | dangereux.<br/> |
− | + | ||
— Bah! bah! reprit le Prince, à quoi bon des soldats, pour nous | — Bah! bah! reprit le Prince, à quoi bon des soldats, pour nous | ||
empêcher de chassera notre aise? vous pouvez bien nous laisser | empêcher de chassera notre aise? vous pouvez bien nous laisser | ||
aller tous les deux, sans crainte; nous ne sommes pas gens à avoir | aller tous les deux, sans crainte; nous ne sommes pas gens à avoir | ||
− | peur d'un sanglier ou d'un loup, nous en avons vu bien d'autres. | + | peur d'un sanglier ou d'un loup, nous en avons vu bien d'autres.<br/> |
− | + | ||
— Allez tous les deux, seuls, puisque vous le voulez, répondit le | — Allez tous les deux, seuls, puisque vous le voulez, répondit le | ||
roi ; mais, promettez-moi de ne pas vous séparer, une fois sous le | roi ; mais, promettez-moi de ne pas vous séparer, une fois sous le | ||
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Mais, à peine eurent-ils pénétré dans le bois, que le Prince, tenant | Mais, à peine eurent-ils pénétré dans le bois, que le Prince, tenant | ||
− | peu de compte de la recommandation de son père, dit à son compagnon : | + | peu de compte de la recommandation de son père, dit à son compagnon :<br/> |
− | + | ||
— Séparons-nous, allons chacun de son côté, et ainsi nous ferons | — Séparons-nous, allons chacun de son côté, et ainsi nous ferons | ||
meilleure chasse. Au coucher du soleil, nous nous retrouverons en cet endroit, pour retourner ensemble à la maison. | meilleure chasse. Au coucher du soleil, nous nous retrouverons en cet endroit, pour retourner ensemble à la maison. | ||
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son père. Il vit bientôt une biche, assise sur son derrière, et qui le | son père. Il vit bientôt une biche, assise sur son derrière, et qui le | ||
regardait tranquillement venir. Il la coucha enjoué et il allait tirer, | regardait tranquillement venir. Il la coucha enjoué et il allait tirer, | ||
− | lorsqu'il fut bien surpris de l'entendre lui adresser ainsi la parole : | + | lorsqu'il fut bien surpris de l'entendre lui adresser ainsi la parole :<br/> |
− | + | — Oseriez-vous bien tirer sur moi, fils du roi de France ?<br/> | |
− | — Oseriez-vous bien tirer sur moi, fils du roi de France? | + | — Comment ! vous parlez donc, dans la langue des hommes ?<br/> |
− | + | — Oui, et je vous dirai même qu'il faut que vous me promettiez de m'épouser, ou vous ne partirez pas en vie d'ici.<br/> | |
− | — Comment ! vous parlez donc, dans la langue des hommes? | + | — Dieu, que dites-vous là ? épouser une biche, moi, un chrétien !<br/> |
− | + | — Oui, ou attendez-vous à mourir, sur l'heure; choisissez.<br/> | |
− | — Oui, et je vous dirai même qu'il faut que vous me promettiez de m'épouser, ou vous ne partirez pas en vie d'ici. | + | — Je ne veux pas mourir si jeune.<br/> |
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− | — Dieu, que dites-vous là? épouser une biche, moi, un chrétien! | + | |
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− | — Oui, ou attendez-vous à mourir, sur l'heure; choisissez. | + | |
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− | — Je ne veux pas mourir si jeune. | + | |
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— Revenez demain ici, avec votre valet de chambre, et je vous en dirai plus long; mais n'y manquez pas, ou malheur à vous! | — Revenez demain ici, avec votre valet de chambre, et je vous en dirai plus long; mais n'y manquez pas, ou malheur à vous! | ||
− | La biche s'enfonça alors dans la profondeur du bois, et le Prince revint à la maison, triste et pensif. | + | La biche s'enfonça alors dans la profondeur du bois, et le Prince revint à la maison, triste et pensif. |
Quand il arriva, son valet était déjà de retour, depuis quelque temps, et le roi l'avait fait jeter en prison, parce qu'il était revenu | Quand il arriva, son valet était déjà de retour, depuis quelque temps, et le roi l'avait fait jeter en prison, parce qu'il était revenu | ||
seul, malgré sa recommandation. Mais le Prince dit que c'était sa faute à lui seul, qu'il n'avait pas été exact au rendez-vous, et | seul, malgré sa recommandation. Mais le Prince dit que c'était sa faute à lui seul, qu'il n'avait pas été exact au rendez-vous, et | ||
− | le valet fut remis en liberté. | + | le valet fut remis en liberté. |
Le soir, vers la fin du repas, comme on causait de choses et | Le soir, vers la fin du repas, comme on causait de choses et | ||
d'autres, la conversation tomba sur la chasse; chacun racontait | d'autres, la conversation tomba sur la chasse; chacun racontait | ||
− | quelqu' exploit, tous plus forts les uns que les autres. | + | quelqu' exploit, tous plus forts les uns que les autres.<br/> |
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— Parlez-nous donc aussi de votre chasse d'aujourd'hui, dit le | — Parlez-nous donc aussi de votre chasse d'aujourd'hui, dit le | ||
− | roi à son fils; je crois voir que vous n'avez pas été heureux, car vous n'avez pas votre gaieté habituelle. | + | roi à son fils; je crois voir que vous n'avez pas été heureux, car vous n'avez pas votre gaieté habituelle.<br/> |
− | + | — Non, mon père, je n'ai pas été heureux : je n'ai rien pris, mais il m'est arrivé une bien singulière aventure.<br/> | |
− | — Non, mon père, je n'ai pas été heureux : je n'ai rien pris, mais il m'est arrivé une bien singulière aventure. | + | — Eh quoi donc? contez nous cela.<br/> |
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− | — Eh quoi donc? contez nous cela. | + | |
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— Arrivés dans la forêt, nous nous séparâmes, mon valet et moi, et nous prîmes des directions opposées. A peine eus-je fait quelques | — Arrivés dans la forêt, nous nous séparâmes, mon valet et moi, et nous prîmes des directions opposées. A peine eus-je fait quelques | ||
pas, que j'aperçus, dans une clairière, une biche assise sur son derrière et qui me regardait tranquillement. Je la couchai en joue | pas, que j'aperçus, dans une clairière, une biche assise sur son derrière et qui me regardait tranquillement. Je la couchai en joue | ||
− | et j'allais tirer, lorsque je fus étonné de l'entendre parler, dans la langue des hommes, et me dire qu'il me faudrait l'épouser. | + | et j'allais tirer, lorsque je fus étonné de l'entendre parler, dans la langue des hommes, et me dire qu'il me faudrait l'épouser.<br/> |
− | + | ||
— Hélas ! dit le roi, en l'interrompant, vous n'avez pas suivi ma recommandation! Je vous avais conseillé de vous faire accompagner de cinquante hommes, ou du moins de ne pas vous séparer, | — Hélas ! dit le roi, en l'interrompant, vous n'avez pas suivi ma recommandation! Je vous avais conseillé de vous faire accompagner de cinquante hommes, ou du moins de ne pas vous séparer, | ||
− | dans le bois, de votre compagnon, et vous ne m'avez pas obéi. A présent , le mal est fait, et il vous faudra épouser la biche ! | + | dans le bois, de votre compagnon, et vous ne m'avez pas obéi. A présent , le mal est fait, et il vous faudra épouser la biche !<br/> |
− | + | ||
Et le vieux roi devint tout triste et pensif. | Et le vieux roi devint tout triste et pensif. | ||
− | Le lendemain, le jeune Prince retourna à la forêt, accompagné de son valet de chambre, comme la veille. Il trouva la biche qui l'attendait, au lieu du rendez-vous. | + | Le lendemain, le jeune Prince retourna à la forêt, accompagné de son valet de chambre, comme la veille. Il trouva la biche qui l'attendait, au lieu du rendez-vous.<br/> |
− | + | — Suivez-moi, lui dit-elle. Et elle marcha devant, et le Prince et son valet la suivirent. Ils traversèrent une grande lande, puis | |
− | — Suivez-moi, lui dit-elle. Et elle marcha devant, et le Prince et | + | |
− | son valet la suivirent. Ils traversèrent une grande lande, puis | + | |
ils arrivèrent dans une grande prairie, au milieu de laquelle s'élevait, comme une énorme taupinière, un petit monticule. Ils allèrent | ils arrivèrent dans une grande prairie, au milieu de laquelle s'élevait, comme une énorme taupinière, un petit monticule. Ils allèrent | ||
droit à ce monticule. La biche y pénétra, par une ouverture qui se | droit à ce monticule. La biche y pénétra, par une ouverture qui se | ||
− | trouvait au levant, et le Prince et son valet y pénétrèrent aussi, à sa suite. | + | trouvait au levant, et le Prince et son valet y pénétrèrent aussi, à sa suite.<br/> |
− | + | — Comme il fait sombre ici ! se disaient-ils, peu rassurés. Ils | |
− | — Comme il fait sombre ici! se disaient-ils, peu rassurés. Ils | + | |
descendirent longtemps, longtemps, et finirent par arriver dans un | descendirent longtemps, longtemps, et finirent par arriver dans un | ||
pays où rien ne leur paraissait être comme dans le monde qu'ils | pays où rien ne leur paraissait être comme dans le monde qu'ils | ||
venaient de quitter. Les plantes et les animaux étaient tous différents, le soleil était plus brillant, l'air plus pur et tout parfumé. | venaient de quitter. Les plantes et les animaux étaient tous différents, le soleil était plus brillant, l'air plus pur et tout parfumé. | ||
− | Ils virent aussi un château magnifique, et ne purent s'empêcher de s'écrier: | + | Ils virent aussi un château magnifique, et ne purent s'empêcher de s'écrier :<br/> |
− | + | — Ô le beau château !<br/> | |
− | — Ô le beau château ! | + | |
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— Ce n'est rien que cela, leur dit alors la biche, vous en verrez de bien plus beaux. | — Ce n'est rien que cela, leur dit alors la biche, vous en verrez de bien plus beaux. | ||
Et en effet, un peu plus loin, ils virent un second château, bien plus beau que le premier. Et comme ils s'extasiaient encore à la | Et en effet, un peu plus loin, ils virent un second château, bien plus beau que le premier. Et comme ils s'extasiaient encore à la | ||
− | vue de cette merveille : | + | vue de cette merveille :<br/> |
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— Avançons, leur dit la biche, vous en verrez un autre plus beau encore. | — Avançons, leur dit la biche, vous en verrez un autre plus beau encore. | ||
− | Et ils arrivèrent tôt après devant un troisième château, tout d'or | + | Et ils arrivèrent tôt après devant un troisième château, tout d'or massif; et il était si brillant, si radieux (car le soleil donnait en plein dessus), qu'ils ne pouvaient le regarder.<br/> |
− | massif; et il était si brillant, si radieux (car le soleil donnait en | + | |
− | plein dessus), qu'ils ne pouvaient le regarder. | + | |
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— C'est le château de mon père, leur dit la biche. | — C'est le château de mon père, leur dit la biche. | ||
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soldats. La biche présenta ses hôtes à son père, un vieux cerf avec | soldats. La biche présenta ses hôtes à son père, un vieux cerf avec | ||
une ramure superbe, puis elle leur fit visiter le château et les | une ramure superbe, puis elle leur fit visiter le château et les | ||
− | jardins. Partout ils s'extasiaient sur la beauté de ce qu'ils voyaient et s'écriaient : | + | jardins. Partout ils s'extasiaient sur la beauté de ce qu'ils voyaient et s'écriaient :<br/> |
− | + | — Que c'est beau! Dieu que c'est beau ! | |
− | — Que c'est beau! Dieu que c'est beau! | + | |
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+ | Un jour, la biche dit au Prince :<br/> | ||
+ | — Voilà déjà un mois que vous êtes ici...<br/> | ||
+ | — Un mois, déjà! il me semblait qu'il n'y avait pas même huit jours, s'écria-t-il.<br/> | ||
+ | — Il y a pourtant bien un mois; si nous nous mariions, à présent ?<br/> | ||
+ | — Quand vous voudrez, puisque je dois vous épouser.<br/> | ||
Et le jour du mariage fut fixé au lendemain. | Et le jour du mariage fut fixé au lendemain. | ||
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cérémonie devinrent aussi des princes, des princesses et des | cérémonie devinrent aussi des princes, des princesses et des | ||
seigneurs et des prêtres ! Tous s'empressaient autour du jeune | seigneurs et des prêtres ! Tous s'empressaient autour du jeune | ||
− | prince, en lui disant : | + | prince, en lui disant :<br/> |
− | + | ||
— Mille bénédictions sur vous! Il y a si longtemps que nous | — Mille bénédictions sur vous! Il y a si longtemps que nous | ||
étions ici, retenus sous un enchantement, par le géant Calabardin, | étions ici, retenus sous un enchantement, par le géant Calabardin, | ||
− | et vous nous en avez délivrés. | + | et vous nous en avez délivrés.<br/> |
− | + | ||
Et ils retournèrent alors au château, pleins de joie et de bonheur, | Et ils retournèrent alors au château, pleins de joie et de bonheur, | ||
et il y eut un festin magnifique. | et il y eut un festin magnifique. | ||
− | Quand l'heure fut venue d aller dormir, le Prince voulut accompagner sa jeune femme dans sa chambre : | + | Quand l'heure fut venue d aller dormir, le Prince voulut accompagner sa jeune femme dans sa chambre :<br/> |
− | + | — Non, lui dit-elle; pas encore. Pendant trois nuits de suite, vous me conduirez jusqu'à la porte de ma chambre, puis, quand j'y | |
− | — Non, lui dit-elle; pas encore. Pendant trois nuits de suite, vous | + | |
− | me conduirez jusqu'à la porte de ma chambre, puis, quand j'y | + | |
aurai été trois heures, à chaque fois, vous reviendrez me prendre, | aurai été trois heures, à chaque fois, vous reviendrez me prendre, | ||
mais, sans jamais entrer dans ma chambre, ni même essayer de | mais, sans jamais entrer dans ma chambre, ni même essayer de | ||
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La seconde nuit, il fit de même. Mais, la troisième nuit, la curiosité l'emporta : il regarda par le trou de la serrure, et il vit la | La seconde nuit, il fit de même. Mais, la troisième nuit, la curiosité l'emporta : il regarda par le trou de la serrure, et il vit la | ||
Princesse qui peignait ses cheveux d'or, avec un peigne d'or, et, à chaque coup de peigne, des pièces d'or tombaient de sa tète sur | Princesse qui peignait ses cheveux d'or, avec un peigne d'or, et, à chaque coup de peigne, des pièces d'or tombaient de sa tète sur | ||
− | un plat d'or. Il fut bien étonné de ce qu'il voyait. | + | un plat d'or. Il fut bien étonné de ce qu'il voyait.<br/> |
− | + | — Qu'est ceci ? se dit-il. | |
− | — Qu'est ceci? se dit-il. | + | |
Quand il revint la chercher, après les trois heures écoulées, | Quand il revint la chercher, après les trois heures écoulées, | ||
comme les deux nuits précédentes, il ne la retrouva plus. Le voilà | comme les deux nuits précédentes, il ne la retrouva plus. Le voilà | ||
bien inquiet. Il alla trouver le père de la princesse et lui raconta | bien inquiet. Il alla trouver le père de la princesse et lui raconta | ||
− | ce qui s'était passé. | + | ce qui s'était passé.<br/> |
− | + | ||
— Hélas ! lui dit le vieillard, votre curiosité fait votre malheur, | — Hélas ! lui dit le vieillard, votre curiosité fait votre malheur, | ||
et celui de ma fille aussi. Le géant Calabardin l'a enlevée et | et celui de ma fille aussi. Le géant Calabardin l'a enlevée et | ||
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complètement, et la voilà retombée, pour longtemps, en son pouvoir ! | complètement, et la voilà retombée, pour longtemps, en son pouvoir ! | ||
− | Le Prince fut désolé de ce qu'il apprenait, et il partit sur-le- champ à la recherche de la princesse, et jura de ne s'arrêter, ni le | + | Le Prince fut désolé de ce qu'il apprenait, et il partit sur-le-champ à la recherche de la princesse, et jura de ne s'arrêter, ni le |
jour ni la nuit, jusqu'à ce qu'il l'eût retrouvée. Son fidèle valet ne | jour ni la nuit, jusqu'à ce qu'il l'eût retrouvée. Son fidèle valet ne | ||
voulut pas l'abandonner, et il l'accompagna. Ils allaient, ils | voulut pas l'abandonner, et il l'accompagna. Ils allaient, ils | ||
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Il monta donc sur l'arbre, et attendit. Au bout de quelque | Il monta donc sur l'arbre, et attendit. Au bout de quelque | ||
temps, il vit venir un homme d'une taille très élevée. Il vint | temps, il vit venir un homme d'une taille très élevée. Il vint | ||
− | jusqu'à l'arbre, et s'arrêta dessous en disant : | + | jusqu'à l'arbre, et s'arrêta dessous en disant :<br/> |
− | + | ||
— Voilà sept cents ans que je partis d'ici! Je voudrais savoir ce | — Voilà sept cents ans que je partis d'ici! Je voudrais savoir ce | ||
que sont devenus mes deux frères. Nous nous étions donné rendez-vous au pied de cet arbre, et nous étions convenus que le premier | que sont devenus mes deux frères. Nous nous étions donné rendez-vous au pied de cet arbre, et nous étions convenus que le premier | ||
arrivé mettrait le feu au bûcher que nous construisîmes, avant de | arrivé mettrait le feu au bûcher que nous construisîmes, avant de | ||
− | nous séparer, et que je retrouve encore intact. | + | nous séparer, et que je retrouve encore intact.<br/> |
− | + | ||
Et il alluma le feu. | Et il alluma le feu. | ||
Un moment après, le prince vit venir un second homme, qui, | Un moment après, le prince vit venir un second homme, qui, | ||
− | voyant le feu allumé, leva les mains au ciel et s'écria : | + | voyant le feu allumé, leva les mains au ciel et s'écria :<br/> |
− | + | — Dieu soit loué ! un, au moins, de mes frères vit encore !<br/> | |
− | — Dieu soit loué ! un, au moins, de mes frères vit encore ! | + | |
− | + | ||
Et, hâtant le pas, il se jeta dans les bras du premier arrivé, et ils éprouvèrent une grande joie de se retrouver. | Et, hâtant le pas, il se jeta dans les bras du premier arrivé, et ils éprouvèrent une grande joie de se retrouver. | ||
− | Un troisième arriva, tôt après : | + | Un troisième arriva, tôt après :<br/> |
− | + | — Tous les trois en vie! s'écrièrent-ils. Et ils s'embrassèrent, en pleurant de joie, puis ils s'assirent autour du feu et se racontèrent réciproquement leurs aventures et ce qu'ils en rapportaient.<br/> | |
− | — Tous les trois en vie! s'écrièrent-ils. Et ils s'embrassèrent, en pleurant de joie, puis ils s'assirent autour du feu et se racontèrent réciproquement leurs aventures et ce qu'ils en rapportaient. | + | — Moi, dit l'aîné, j'ai une épée, — la voici, — et quand je lui dis : « Besogne mon épée ! » elle abat cent hommes, à chaque coup : on a |
− | + | bien vite détruit toute une armée, avec une arme semblable.<br/> | |
− | — Moi, dit l'aîné, j'ai une épée, — la voici, — et quand je lui dis : | + | — Moi, dit le second, j'ai des bottes (les voici), et quand je dis « Cent ou cinquante » je fais cent ou cinquante lieues, à mon choix, à chaque enjambée.<br/> |
− | « Besogne mon épée ! » elle abat cent hommes, à chaque coup : on a | + | |
− | bien vite détruit toute une armée, avec une arme semblable. | + | |
− | + | ||
− | — Moi, dit le second, j'ai des bottes (les voici), et quand je dis | + | |
− | « Cent ou cinquante » je fais cent ou cinquante lieues, à mon choix, | + | |
− | à chaque enjambée. | + | |
− | + | ||
— Et moi, dit le troisième, j'ai une serviette (la voici), et | — Et moi, dit le troisième, j'ai une serviette (la voici), et | ||
− | quand je lui dis : « Serviette, fais ton devoir! » aussitôt je trouve servis dessus tous les mets et toutes les boissons que je désire. | + | quand je lui dis : « Serviette, fais ton devoir! » aussitôt je trouve servis dessus tous les mets et toutes les boissons que je désire.<br/> |
− | + | — Eh ! bien, reprit l'ainé, avec notre épée, nos bottes et notre serviette, je pense que nous n'avons pas nos pareils sur la | |
− | — Eh ! bien, reprit l'ainé, avec notre épée, nos bottes et | + | terre, et, à nous trois, nous pourrons faire tout ce que nous voudrons.<br/> |
− | notre serviette, je pense que nous n'avons pas nos pareils sur la | + | |
− | terre, et, à nous trois, nous pourrons faire tout ce que nous | + | |
− | voudrons. | + | |
− | + | ||
— Eprouvons d'abord le pouvoir de la serviette, dit le second, car | — Eprouvons d'abord le pouvoir de la serviette, dit le second, car | ||
− | j'ai, ma foi, bon appétit. | + | j'ai, ma foi, bon appétit.<br/> |
− | + | ||
Alors le plus jeune des trois frères étendit sa serviette sur le | Alors le plus jeune des trois frères étendit sa serviette sur le | ||
gazon, au pied de l'arbre, et lui dit : « Serviette, fais ton devoir. » | gazon, au pied de l'arbre, et lui dit : « Serviette, fais ton devoir. » | ||
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à la tête, et ils ne tardèrent pas à s'endormir, autour du feu. | à la tête, et ils ne tardèrent pas à s'endormir, autour du feu. | ||
− | + | Cependant le Prince ne dormait pas, sur son arbre ; il n'avait pas | |
− | + | perdu un mot de ce que les trois frères s'étaient dit, et profitant de | |
− | Cependant le Prince ne dormait pas, sur son arbre ; il n'avait pas | + | leur ivresse et de leur sommeil, il parvint à s'emparer de l'épée, |
− | perdu un mot de ce que les trois frères s'étaient dit, et profitant de | + | |
− | leur ivresse et de leur sommeil, il parvint à s'emparer de l'épée, | + | |
que l'aîné avait suspendue à une branche basse de l'arbre. Quand | que l'aîné avait suspendue à une branche basse de l'arbre. Quand | ||
− | il la tint, il dit : | + | il la tint, il dit : « Par la vertu de mon épée, que les trois frères |
− | soient tués et hachés en menus morceaux!» Et aussitôt l'épée | + | soient tués et hachés en menus morceaux ! » Et aussitôt l'épée |
− | sortit d'elle-même du fourreau et, comme une enragée, elle se mit | + | sortit d'elle-même du fourreau et, comme une enragée, elle se mit |
− | à frapper les dormeurs, à coups si pressés, que, dans un instant, | + | à frapper les dormeurs, à coups si pressés, que, dans un instant, |
− | ils furent réduits en morceaux menus comme chair à pâtée. Le | + | ils furent réduits en morceaux menus comme chair à pâtée. Le |
− | Prince prit alors, avec l'épée, les bottes et la serviette, et partit. | + | Prince prit alors, avec l'épée, les bottes et la serviette, et partit. |
− | Grâce à ses bottes, il fit beaucoup de chemin, en peu de temps. | + | Grâce à ses bottes, il fit beaucoup de chemin, en peu de temps. |
− | Il arriva dans une grande plaine, au milieu de laquelle il vit comme | + | Il arriva dans une grande plaine, au milieu de laquelle il vit comme |
− | une immense taupinière. Il alla droit à la butte. | + | une immense taupinière. Il alla droit à la butte. La mère des vents |
− | était assise sur le sommet, avec la figure ridée comme une vieille | + | était assise sur le sommet, avec la figure ridée comme une vieille |
− | pomme, ses cheveux blancs dénoués et flottants, et sa dent unique | + | pomme, ses cheveux blancs dénoués et flottants, et sa dent unique |
− | et longue qui branlait dans sa mâchoire supérieure. | + | et longue qui branlait dans sa mâchoire supérieure.<br/> |
+ | — Bonjour, grand'mère, lui dit le Prince.<br/> | ||
+ | — Bonjour, mon fils, répondit la vieille; de quel pays es-tu ?<br/> | ||
+ | — De la Basse-Bretagne.<br/> | ||
+ | — Ah! oui, je connais ce pays-là, et mes fils y vont souvent ; mais c'est loin d'ici.<br/> | ||
+ | — Auriez-vous la bonté, grand'mère, de me donner l'hospitalité, pour une nuit seulement ?<br/> | ||
+ | — Loger chez moi ! Hélas ! mon pauvre enfant, tu t'adresses | ||
+ | mal; j'ai trois fils, qui sont des gars bien terribles, et je crains... | ||
+ | Mais n'importe, ta mine et tes façons me plaisent, et je te logerai | ||
+ | et je te défendrai contre mes fils. Ils arriveront bientôt, avec un | ||
+ | vacarme épouvantable, et prêts de mourir de faim, et ils voudront | ||
+ | t'avaler, tout de suite. Mais, n'aie pas peur, je saurai bien les | ||
+ | mettre à la raison. | ||
− | + | Et la vieille introduisit le Prince dans sa hutte, faite de branchages, à travers lesquels tous les vents pénétraient, en sifflant. | |
+ | Puis, elle s'occupa de préparer à manger à ses fils. | ||
− | + | Tôt après, arrivèrent ensemble dix grands vents, avec un bruit | |
− | + | épouvantable. Les cailloux volaient dans la plaine, les arbres | |
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− | Tôt après, arrivèrent ensemble dix grands vents, avec un bruit | + | |
− | épouvantable. Les cailloux volaient dans la plaine, les arbres | + | |
craquaient et sifflaient; — c'était effrayant! Ils firent invasion | craquaient et sifflaient; — c'était effrayant! Ils firent invasion | ||
− | + | ensemble dans la hutte en criant : « Nous avons faim ! nous avons | |
− | + | faim, mère ! » Puis, tout-à-coup, un d'eux dit:<br/> | |
− | + | — Je sens odeur de chrétien, et je veux le manger, à l'instant!<br/> | |
− | + | ||
− | + | ||
− | + | ||
− | ensemble dans la hutte en criant : | + | |
− | faim, mère | + | |
− | + | ||
− | — Je sens odeur de chrétien, et je veux le manger, à l'instant! | + | |
− | + | ||
— Je voudrais bien voir, par exemple ! répondit la vieille; manger | — Je voudrais bien voir, par exemple ! répondit la vieille; manger | ||
mon neveu, le fils de mon frère, qui est venu me voir, un si gentil | mon neveu, le fils de mon frère, qui est venu me voir, un si gentil | ||
− | garçon ! | + | garçon ! |
− | Et comme ils ne se montraient guère disposés à obéir, elle prit | + | Et comme ils ne se montraient guère disposés à obéir, elle prit |
− | un tronc de jeune ormeau, qu'elle avait déraciné dans son courtil, | + | un tronc de jeune ormeau, qu'elle avait déraciné dans son courtil, |
− | et se mit à corriger ses fils, frappant sans pitié. | + | et se mit à corriger ses fils, frappant sans pitié.<br/> |
+ | — Assez, mère! criaient-ils, assez ! nous ne ferons pas de mal à notre cousin !<br/> | ||
+ | — A la bonne heure! mettez-vous à table, et je vais vous servir à manger. | ||
− | + | Et ils devinrent soumis comme des enfants. Le Prince s'assit à la | |
− | + | même table qu'eux; puis, le repas fini, ils se réunirent autour du | |
+ | feu, pour causer, et les voilà grands amis.<br/> | ||
+ | — Où vas-tu aussi, cousin ? demanda le Vent du Nord.<br/> | ||
+ | — Je suis à la recherche du château du géant Calabardin, | ||
+ | cousin ; si vous pouviez m'en donner des nouvelles, vous me | ||
+ | feriez grand plaisir.<br/> | ||
+ | — J'arrive de là précisément ! Demain, le géant doit se marier | ||
+ | avec la Princesse aux Cheveux d'Or, et il y aura un festin magnifique, et, comme il fait très chaud par là, il faut que je m'y trouve, | ||
+ | pour souffler sur les mets et les refroidir.<br/> | ||
+ | — Ah ! si vous vouliez m'emmener avec vous, cousin ?<br/> | ||
+ | — Je le veux bien, si tu peux me suivre.<br/> | ||
+ | — Je ferai mon possible ; je marche bien, allez ! | ||
− | + | Le lendemain, le Vent du Nord et le Prince partirent ensemble, | |
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− | Le lendemain, le Vent du Nord et le Prince partirent ensemble, | + | |
de bonne heure. Le Prince avait mis ses bottes merveilleuses et le | de bonne heure. Le Prince avait mis ses bottes merveilleuses et le | ||
− | Vent du Nord avait beau aller vite, il était toujours sur ses | + | Vent du Nord avait beau aller vite, il était toujours sur ses |
− | talons, ce qui l'étonnait beaucoup. Enfin, après avoir traversé | + | talons, ce qui l'étonnait beaucoup. Enfin, après avoir traversé |
− | bien des pays et des mers, ils arrivèrent aussi au château du | + | bien des pays et des mers, ils arrivèrent aussi au château du |
− | géant Calabardin, lequel château, comme je l'ai déjà dit, était | + | géant Calabardin, lequel château, comme je l'ai déjà dit, était suspendu au-dessus de la mer Noire, entre le ciel et l'eau.<br/> |
− | + | — A présent, dit le Vent du Nord au Prince, je vais te jeter, | |
− | + | avec un souffle, par dessus les murs, dans le château.<br/> | |
− | — A présent, dit le Vent du Nord au Prince, je vais te jeter, | + | Et il souffla sur lui, et le porta tout droit dans la chambre de la |
− | avec un souffle, par dessus les murs, dans le château. | + | Princesse, dont la fenêtre était ouverte. |
− | + | ||
− | Et il souffla sur lui, et le porta tout droit dans la chambre de la | + | |
− | Princesse, dont la fenêtre était ouverte. | + | |
− | La Princesse dormait, étendue sur son lit d'or et de soie. Mais | + | La Princesse dormait, étendue sur son lit d'or et de soie. Mais |
− | elle se réveilla, au bruit que le Prince fit en tombant sur le plancher | + | elle se réveilla, au bruit que le Prince fit en tombant sur le plancher |
− | de sa chambre, et se mit à crier au voleur. Ses femmes accoururent | + | de sa chambre, et se mit à crier au voleur. Ses femmes accoururent |
− | et, voyant un étranger dans la chambre de leur maîtresse, elles | + | et, voyant un étranger dans la chambre de leur maîtresse, elles |
− | allèrent avertir le géant. Celui-ci dépêcha douze serviteurs pour | + | allèrent avertir le géant. Celui-ci dépêcha douze serviteurs pour |
− | s'emparer de lui et le jeter en prison. Mais le Prince ne s'en effraya | + | s'emparer de lui et le jeter en prison. Mais le Prince ne s'en effraya |
− | pas. En voyant venir les douze valets, il dégaina son épée et | + | pas. En voyant venir les douze valets, il dégaina son épée et |
− | dit : | + | dit : « Besogne, ma bonne épée ! Qu'ils soient mis en morceaux |
menus comme chair à pâtée ! » | menus comme chair à pâtée ! » | ||
− | Et l'épée tomba sur eux, comme une enragée, et en un moment | + | Et l'épée tomba sur eux, comme une enragée, et en un moment ce fut fini ! |
− | ce fut fini ! | + | |
Cependant la Princesse avait reconnu son mari. Elle lui témoigna | Cependant la Princesse avait reconnu son mari. Elle lui témoigna | ||
une grande joie de le revoir, et persuadée, après ce qu'elle venait | une grande joie de le revoir, et persuadée, après ce qu'elle venait | ||
− | |||
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de voir, qu'il réussirait à la délivrer encore du géant Calabardin, | de voir, qu'il réussirait à la délivrer encore du géant Calabardin, | ||
− | elle lui dit : | + | elle lui dit :<br/> |
− | + | — Ah ! il était grandement temps que vous vinssiez,car j'allais me marier avec lui, aujourd'hui même !<br/> | |
− | — Ah ! il était grandement temps que vous vinssiez,car j'allais | + | Puis, ils s'entendirent sur les moyens de s'enfuir du château.<br/> |
− | me marier avec lui, aujourd'hui même ! | + | — Le géant, lui dit-elle, reconnaîtra ton épée, tes bottes et ta |
− | + | serviette. Sachant bien que tu n'as rien à craindre de lui, aussi | |
− | Puis, ils s'entendirent sur les moyens de s'enfuir du château. | + | |
− | + | ||
− | — Le géant, lui dit-elle, reconnaîtra ton épée, tes bottes et ta | + | |
− | serviette. Sachant bien que tu n'as rien à craindre de lui, aussi | + | |
longtemps que tu les auras en ta possession, il usera de ruse, pour | longtemps que tu les auras en ta possession, il usera de ruse, pour | ||
tâcher de te les enlever, et te fera bonne mine. Il t'invitera à visiter | tâcher de te les enlever, et te fera bonne mine. Il t'invitera à visiter | ||
Ligne 407 : | Ligne 309 : | ||
jamais. | jamais. | ||
− | En effet, le géant vint vers le Prince, avec un air gracieux, et lui | + | En effet, le géant vint vers le Prince, avec un air gracieux, et lui dit :<br/> |
− | dit: | + | —Bonjour, fils du roi de France ; je suis très honoré de votre visite... |
− | + | Tiens ! mais je reconnais cette épée, ces bottes et cette serviette | |
− | —Bonjour, fils | + | que vous portez ! C'est l'épée de mon grand'père, ce sont les bottes |
− | Tiens ! | + | de mon père et la serviette de mon oncle. Quel homme vous êtes, |
− | que vous portez ! C'est l'épée de mon grand'père, ce sont les bottes | + | avec toutes ces merveilles ! Vous n'avez pas votre égal sur la |
− | de mon père et la serviette de mon oncle. Quel homme vous êtes, | + | terre ! Mais, venez avec moi à ma chambre des magies, et si vous |
− | avec toutes ces merveilles ! Vous n'avez pas votre égal sur la | + | avez des choses merveilleuses, des talismans précieux, je vous en |
− | terre ! Mais, venez avec moi à ma chambre des magies, et si vous | + | ferai voir de plus merveilleux encore.<br/> |
− | avez des choses merveilleuses, des talismans précieux, je vous en | + | — Non, non ! je ne m'y laisserai pas prendre comme un nigaud, Calabardin.<br/> |
− | ferai voir de plus merveilleux encore. | + | |
− | + | ||
− | — Non, non ! je ne m'y laisserai pas prendre comme un nigaud, | + | |
− | Calabardin. | + | |
− | + | ||
Et, dégainant aussitôt son épée, il dit : « Besogne, ma bonne | Et, dégainant aussitôt son épée, il dit : « Besogne, ma bonne | ||
− | épée ! que le géant Calabardin soit, sur le champ, haché en | + | épée ! que le géant Calabardin soit, sur le champ, haché en morceaux menus comme chair à pâtée ! » Et l'épée se précipita sur |
− | + | le géant, comme si elle eût été enragée, et, en un moment, elle l'eut | |
− | le géant, comme si elle eût été enragée, et, en un moment, elle l'eut | + | haché en morceaux menus comme chair à pâtée. Puis, le Prince |
− | haché en morceaux menus comme chair à pâtée. Puis, le Prince | + | dispersa les morceaux, à droite, à gauche, dans toutes les directions, pour les empêcher de se rejoindre et de se reconstituer en |
− | dispersa les morceaux, à droite, à gauche, dans toutes les | + | |
− | + | ||
un corps vivant. | un corps vivant. | ||
− | La Princesse dit alors à son libérateur : | + | La Princesse dit alors à son libérateur :<br/> |
− | + | — Nous voilà enfin délivrés à toujours du méchant géant Calabardin ! Son château, avec tout ce qui s'y trouve, nous appartient, | |
− | — Nous voilà enfin délivrés à toujours du méchant géant | + | et il viendra avec nous dans mon pays. Grâce aux livres du géant, |
− | + | qui renferment toute sa magie et sa sorcellerie, nous l'enlèverons facilement.<br/> | |
− | et il viendra avec nous dans mon pays. Grâce aux livres du géant, | + | |
− | qui renferment toute sa magie et sa sorcellerie, nous l'enlèverons | + | |
− | facilement. | + | |
− | + | ||
Et ils montèrent tous les deux dans le char de Calabardin, qui | Et ils montèrent tous les deux dans le char de Calabardin, qui | ||
s'éleva aussitôt et les emporta à travers les airs, et le château les | s'éleva aussitôt et les emporta à travers les airs, et le château les | ||
suivit par le même chemin. | suivit par le même chemin. | ||
− | Quand ils arrivèrent au pays de la Princesse aux Cheveux d'Or, | + | Quand ils arrivèrent au pays de la Princesse aux Cheveux d'Or, son père était mort.<br/> |
− | son père était mort. | + | — A présent, dit alors la Princesse au Prince, vous serez roi, à la place de mon père.<br/> |
+ | — Je le veux bien, répondit-il, mais je désire que mes parents assistent à mon mariage. | ||
− | + | Et il alla chercher son père et sa mère, dans son pays, et quand il | |
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− | Et il alla chercher son père et sa mère, dans son pays, et quand il | + | |
revint avec eux, on célébra aussitôt le mariage et, pendant un mois | revint avec eux, on célébra aussitôt le mariage et, pendant un mois | ||
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entier, il y eût des fêtes et des festins magnifiques, auxquels furent | entier, il y eût des fêtes et des festins magnifiques, auxquels furent | ||
− | invités les pauvres comme les riches. | + | invités les pauvres comme les riches. |
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− | Et si j'en suis revenue, | + | :Rien ne manquait là, |
+ | :Ni massepains ni macarons, | ||
+ | :Ni crêpes épaisses ni crêpes fines, | ||
+ | :Ni bouillie cuite ni bouillie à cuire, | ||
+ | :Ni bouillie fermentée ni bouillie non fermentée. | ||
+ | :Un homme faisait le tour des tables, armé d'une cuiller à pot | ||
+ | :Et demandant : — Qui veut de la bouillie par là ? | ||
+ | :Il y avait là jusqu'à un cochon, | ||
+ | :Cuit d'un bout, vivant de l'autre. | ||
+ | :Moi aussi j'étais par là, avec mon bec frais, | ||
+ | :Et, comme j'avais bon appétit, je mordis vite. | ||
+ | :Mais un grand diable de cuisinier accourut, | ||
+ | :Et avec ses sabots à bouts pointus | ||
+ | :Il me donna un coup du pied dans le derrière | ||
+ | :Et me lança sur le sommet de la montagne de Bré, | ||
+ | :Et si j'en suis revenue, | ||
+ | :C'est pour vous conter tout ceci. | ||
− | + | [[Catégorie: Conte merveilleux]] | |
+ | [[Catégorie: AT 0400]] | ||
+ | [[Catégorie: Revue des Traditions Populaires, année 1886]] | ||
+ | [[Catégorie: François-Marie Luzel]] | ||
+ | [[Catégorie: Marguerite Philippe]] |