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Jean l'innocent
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==Texte intégral== Il y avait une fois une femme de Marquay qui avait un garçon appelé Jean. Ce garçon était un peu simplet ; c'est pour cela qu'on l'avait surnommé Jean l'Innocent. Un jour, sa mère l'envoya chercher une pinte d'huile à Saint-Pol. Comme la bouteille qu'elle lui remit était un peu grande, elle lui recommanda de ne pas se tromper, de bien n'en demander qu'une pinte. Jean partit pour Saint-Pol et, afin de ne pas oublier la recommandations de sa mère, il se mit à répéter tout le long du chemin :<br/> « Qu'il n'en vienne qu'une pinte ! Qu'il n'en vienne qu'une pinte ! » En sortant du village, il rencontre un homme qui semait des oeillettes.<br/> « Qu'il n'en vienne qu'une pinte ! Qu'il n'en vienne qu'une pinte ! lui crie Jean de tout son plus fort.<br/> — Qu'est-ce que tu dis ?<br/> — Qu'il n'en vienne qu'une pinte ! Qu'il n'en vienne qu'une pinte !<br/> — Tais-toi, innocent ! Dis plutôt : Qu'il en vienne des milliers ! » Jean continua son chemin en répétant :<br/> « Qu'il en vienne des milliers ! Qu'il en vienne des milliers ! »<br/> En arrivant près d'Epenhain, il rencontre un berger en train de chasser un loup qui vient de lui étrangler plusieurs moutons.<br/> — Qu'ils en vienne des milliers ! Qu'il en vienne des milliers ! lui crie Jean de tout son plus fort.<br/> — Veux-tu bien te taire, innocent ! lui dit le berger qui croit que l'enfant veut parler du loup. Dis plutôt : que le diable l'emporte ! » Jean continua son chemin en répétant :<br/> « Que le diable l'emporte ! Que le diable l'emporte ! »<br/> Un peu plus loin, il rencontre un carton qui vient d'être écrasé par son binian. Le curé était en train de l'extrémiser. Jean crut devoir crier en passant.<br/> « Que le diable l'emporte ! Que le diable l'emporte !<br/> — Malheureux ! dit le cure, dis plutôt : Que le bon Dieu lui fasse miséricorde !» Jean continua son chemin en répétant :<br/> « Que le bon Dieu lui fasse miséricorde ! Que le bon Dieu lui fasse miséricorde ! »<br/> Arrivé au pont Saint-Michel, il répéta ces mots à des gens qui allaient jeter à l'eau une vieille chienne toute ripense.<br/> « Imbécile, lui dit-on, tu ne vois pas que c'est une vieille chienne !<br/> — C'est une vieille chienne! » C'est une vieille chienne répéta Jean en continuant son chemin. Un peu plus loin, il rencontra une noce : c'est le censier de la Falecque qui vient de marier sa fille avec le plus joli garçon du pays. « C'est une vieille chienne ! C'est une vieille chienne ! » cria Jean en passant auprès de la mariée. En l'entendant parler ainsi, tous les gens de la noce se précipitèrent sur lui et le rouèrent de coups ; il en eût même reçu davantage si l'on ne s'était aperçu qu'on avait affaire à un innocent. On le laissa partir en lui recommandant de dire : « C'est joliment beau à voir ! » C'est joliment beau à voir ! » Mais voilà qu'en arrivant à Saint-Pol, Jean passa devant la forge d'un marichau qui, depuis plusieurs heures, essayait vainement d'allumer son feu. Jean ne manqua pas de lui crier en passant :<br/> « C'est joliment beau à voir ! c'est joliment beau à voir !<br/> — Attends, salaud, attends ! Je vais t'en fiche ! s'écria le marichau tout en colère. Et il se mit à courir après Jean qui, s'enfuyant, glissa sur le pavé, tomba et cassa sa bouteille. Il reçut une bonne raclée du marichau, et retourna tout péneux à Marquay, où sa mère, à son tour, lui donna une bonne volée de coups de manche à ramon. [[Catégorie:Conte facétieux]] [[Catégorie:AT 1696A]] [[Catégorie:Contes du pays de Saint-Pol]] [[Catégorie:Revue des Traditions Populaires, année 1905]]
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