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Pourquoi les sardines s'éloignent de Bretagne
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'''Pourquoi les sardines s'éloignent de Bretagne ?''' Cette légende, collectée en Bretagne par Eugène Herpin, a été publiée dans la ''Revue des Traditions Populaires'' n° 3-2. ==Texte intégral== On sait que depuis quelque temps la sardine n'est plus abondante sur les côtes de Bretagne. Voici, d'après le récit qui m'a été fait par un sardinier de Belle-Isle, la cause de cette retraite. À Belle-Isle-en-mer,— pas au Palais, mais dans le petit village, qui est là, tout au bout de l'île, arc-bouté comme un nid de cormorans contre la pointe aux Poulains, — existait, jusqu'à ces derniers temps, un petit oratoire dédié à saint Joseph. Assurément, saint Joseph est un grand saint et les Bretons de par ici l'aiment ferme. La meilleure preuve, c'est que tous leurs enfants se nomment José, Job, ou Jobick, quelquefois même Joseph, quand ils ont un parrain gallo. Dans ce petit oratoire, le soir, après la pêche, souvent on s'en allait réciter les litanies de sant José écrites en breton sur une vieille pancarte que les gros doigts et le temps avaient bien usée un peu, mais où l'on distinguait encore les lettres, surtout en regardant de près. Un jour, on offrit à l'oratoire une statue de saint Pierre. Elle était superbe, cette statue avec ses belles enluminures rouges et dorées. Aussi, trouva-t-on convenable de la mettre au lieu et place de la statue de saint Joseph. Dame ! c'était assez naturel. Entre pêcheurs, on se fait des gracieusetés. Or, saint Pierre, vous savez était un grand pêcheur. Il avait une barque tout comme les Forbans et les Sinagots et, comme eux, paraît-il, il faisait parfois, s'il faut en croire M. le Recteur, des pêches quasiment miraculeuses. Quant à saint Joseph, on le relégua dans une petite grotte perchée très haut, sur un rocher tout contre la pointe aux Poulains. C'était là, avouons-le entre nous, une idée assez singulière que de placer un saint qui ne fut jamais marin, juste au milieu des nids à cormorans, juste au dessus des vagues de la mer furieuse. Pauvre saint Joseph ! il se trouvait là bien dépaysé, bien malheureux, bien apeuré, quand la houle, le vent, les nuages, tout cela tourbillonnait autour de lui. Comme il tremblait de la tête aux pieds, dans son petit coin de rocher, lorsque les vagues gigantesques avec leurs crêtes toutes blanches se roulaient, en hurlant au dessous de lui, l'éclaboussant irrespectueusement de grands soufflets d'écume ! Un soir que la brise soufflait ferme, le pêcheur Legall regagnait le Palais en courant des bordées le long de la pointe aux Poulains. Tout à coup, du côté de la statue de saint Joseph, jugez de sa stupeur ! il vit une grande clarté. A la place de la statue, se trouvait saint Joseph en personne, saint Joseph en chair et en os, le saint Joseph du Paradis. D'ailleurs, il semblait bien affligé, mais à coté de lui, se, trouvait un dame blanche qui ne pouvait être que la sainte Vierge et essayait de le consoler. Il paraît qu'elle ne réussissait qu'à moitié, car Legall vit bientôt rouler sur la joue de saint Joseph une larme qui était grosse comme un quartier de roche et brillante comme un diamant. Cette larme tomba dans la mer en faisant un grand bruit. Le conteur, ici, fit une pause. Cette larme, Monsieur, me dit-il en forme de conclusion, était si amère, si amère que la mer est devenue sur nos côtes encore plus salée qu'autrefois. Aujourd'hui, les sardines ne la trouvant plus de leur goût, font un grand détour lorsqu'elles voyagent pour ne plus passer par chez nous. [[Catégorie:Légende]] [[Catégorie:Revue des Traditions Populaires, année 1888]] [[Catégorie:Bretagne]]
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