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Conté en patois par Sylvie Hanocq, de Ramecourt. ==Texte intégral== L'y avait une fois un renard et un loup qui s'avaient associés pour voler les gens dans le but de faire bonne chère. Ils rodaillaient continuellement autour des censes, enlevant les poules et les moutons qui s'en écartaient un peu trop ; ils entraient même dans les habitations lorsqu'ils n'y apercevaient personne. Un soir, à la ferme de l'Abbie, ils s'emparèrent d'un grand pot de beurre qu'ils allèrent mucher dans le bois d'Huberlieu. Trois ou quatre jours après, le loup dit à son camarade :<br/> « Je commence à avoir faim, il faut entamer le pot de beurre.<br/> — Non, non, lui répond le renard, il vaut mieux le conserver pour l'hiver. Tâchons plutôt d'attraper un mouton ». Au solé-bos<ref>À l'heure du crépuscule.</ref>, voilà qu'on entend la cloche de l'église de Croisettes sonner l'Angelus.<br/> « Ecoute ! dit le renard, voilà la cloche qui m'appelle pour être parrain.<br/> — Pour être parrain ? dit le loup.<br/> — Oui, oui, pour être parrain. J'y cours ». Et compère renard, beaucoup plus rusé que son compagnon, s'en va tout droit dans le bois d'Huberlieu, à l'endroit où ils avaient muché le pot de beurre. Il en prend une bonne gavure<ref>Ventrée, repas copieux.</ref> et revient trouver le loup.<br/> « Ah ! te voilà revenu ? lui dit celui-ci.<br/> — Oui, ça y est! lui répond le renard.<br/> — Eh bien ! quel nom lui as-tu donné, à ton filleul ?<br/> — Je l'ai appelé : Bien léqué<ref>Bien léché.</ref>.<br/> — Bien léqué ! c'est un nom joliment drôle, se dit le loup en lui-même ». Le surlendemain, à l'heure de l'Angelus, le renard dit encore au loup qu'on l'appelait de nouveau pour être parrain.<br/> « Ah ! lui dit son crédule compagnon, tu as de la chance. On t'appelle toujours, et moi, qui ai continuellement faim, on ne m'appelle jamais ! ». Le renard rend à la hâte une seconde visite au pot de beurre et en re-mange une bonne partie.<br/> « Quel nom as-tu donné cette fois-ci à ton filleul? lui demande le loup à son retour.<br/> — Je l'ai appelé Petit Trois-Quarts.<br/> — Petit Trois-Quarts ! c'est un bien drôle de nom.<br/> — C'est comme ça ! » lui réplique le renard en s'épouffant de rire. Deux jours plus tard, en entendant sonner l'Angelus, le renard dit encore une fois au loup qu'on l'appelait d'archef pour être parrain.<br/> « Ça ne finira donc pas, tous ces baptêmes ? redit le loup. Ce n'est pas moi qui aurai jamais une pareille chance. Voyons, camarade, rapporte-moi donc quelque chose de la bardalèe<ref>Repas donné à l'occasion d'un baptême. </ref>.<br/> — Je veux bien, lui répond le renard ». Et le voilà parti encore une fois pour rendre visite à la muche du bois d'Huberlieu. Arrivé là, il mange bien vite tout ce qui reste de beurre ; puis il casse le pot et place, auprès des tinchons<ref>Tessons, débris de vaisselle.</ref>, des souris et des rats morts qu'il avait trouvés dans son chemin. En revenant, il rapporte à son compagnon des os déjà rongés qu'il a trouvés dans un fossé. Le loup essaie de les croquer et se casse une partie de ses brocarts<ref>Dents longues et pointues.</ref>.<br/> « Tu ne me fais pas faire là un fameux régal, dit-il au renard.<br/> — Je t'ai cependant rapporté ce qu'il y avait de meilleur, lui répond celui-ci. Mais, tu sais, camarade, les temps sont durs.<br/> — Mais, tu ne m'as pas dit comment on appelle ton filleul.<br/> — On l'appelle : J'ai vu sin cul<ref>C'est-à-dire, j'ai vu le fond du pot.</ref>.<br/> — J'ai vu sin cul ! Eh bien, pour un vilain nom, ça c'est un vilain nom ! ». Quelques jours après, le loup dit au renard :<br/> « Camarade, j'ai de plus en plus faim. Il faut aller manger le pot de beurre.<br/> — Allons-y, nous le viderons. De cette manière on n'en parlera plus, répond le renard en se retenant de rire ». Ils s'en vont à la muche du bois d'Huberlieu. A la vue du pot cassé et des rats morts qui sont auprès, le loup se met à sangloter.<br/> « Quel malheur ! quel malheur ! nous sommes volés !<br/> — Oui, en effet, répond le malin renard. Ce sont bien sûr ces vilaines bêtes qui ont fait le coup. Mais console-toi : elles en sont bien punies.<br/> — Hélas ! hélas ! Et moi qui ai si faim !<br/> — Compagnon, j'ai cru bien faire en mettant le beurre en réserve pour l'hiver, dit le renard en riant dans ses barbes. Tiens ! j'y pense, si tu veux venir avec moi, il y a aujourd'hui un mariage à la cense de l'Abbie : la censière a mis au four une grande quantité de taliburs<ref>Sorte de crême. tourte contenant des morceaux de pommes recouverts ou non de (?)</ref> et de gâteaux, nous pourrons nous en régaler.<br/> — Je veux bien, répond le loup ».<br/> Et les voilà partis. Comme toute la noce s'était rendue à la messe, ils trouvent la porte du fournil fermée.<br/> « Par où allons-nous entrer? demande le loup.<br/> — C'est bien facile, lui répond le renard. Tiens, vois cette lucarne, elle est tout juste assez grande pour que tu puisses y passer. Quand tu seras dans le fournil, tu mangeras des taliburs et des gâteaux tout ton saoul, et tu me jetteras le reste par la lucarne. Je les mettrai en réserve pour nous deux ». Après avoir bien estiqué<ref>S'agiter violemment pour arriver à son but.</ref>, le loup parvint à passer, par la lucarne, dans le fournil. Il se bourra de taliburs et en jeta quelques-uns au renard, qui les mangea de suite. Mais, par malheur, voilà que les gens de la noce revinrent de la messe. Le renard se sauva aussitôt, laissant le loup dans le fournil. Comme ce dernier avait beaucoup mangé, son ventre gonflé comme un tonneau l'empêcha de repasser par la lucarne. On l'eut bien vite aperçu, et les varlets de la cense le frappèrent et l'assommèrent aussitôt à coups de bâtons et de flaïets<ref>Fléaux à battre le grain.</ref>. ==Notes== <references/> [[Catégorie:Conte d'animaux]] [[Catégorie:AT 0015]] [[Catégorie:Contes du pays de Saint-Pol]] [[Catégorie:Revue des Traditions Populaires, année 1904]]

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