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Ce conte a été collecté en Bretagne par Lionel Bonnemère. Il est issu de la Revue des Traditions Populaires n° 1-11. == Texte intégral == Il était une fois une pauvre femme dont le fils, un fieffé paresseux, avait atteint l'âge de vingt ans sans avoir encore voulu se prendre à aucun travail. Ce n'était pas que la force lui manquât. Non. Il était grand et fort, si fort qu'aucun fardeau ne le rebutait. Il eût pu emporter sur son dos, s'il l'avait voulu, l'église de son village avec le clocher et sa grosse cloche. Mais Trente (c'était le nom du gars), était la paresse même. Sa mère, fort pauvre, lui faisait des reproches continuels. Le pain manquait souvent au logis et Trente ne voulait rien faire! Une fois pourtant, après une scène, le gars fut pris comme d'un remords, et il alla se gager chez un seigneur qui demeurait à quelque distance. Trente ne sachant rien faire, il ne pouvait être question d'un gros gage. On convint seulement qu'il aurait pour prix de son service ce qu'il emporterait de blé, sur son dos, chez sa mère. Le seigneur ne savait pas que son valet était doué d'une force extraordinaire. Aussi, quelle ne fut pas sa stupeur, quand il le vit charger sur son dos, à la fois, tous les sacs du grenier! Muet de surprise, il assista à sa ruine. Lorsque Trente revint chez son maître, celui-ci songea à se défaire de lui. Sa force l'effrayait. Il lui demanda s'il irait bien en Enfer trouver le Diable.<br/> — J'irai bien ! dit Trente sans plus s'émouvoir.<br/> — Et tu lui demanderas un sac d'or ?<br/> — Je le lui demanderai !<br/> — Et tu me le rapporteras ?<br/> — Je vous le rapporterai. Voilà donc Trente parti, sans autre arme que la pincette du foyer. Après avoir longtemps marché, il arrive à la porte de l'Enfer.<br/> — Qu'est-ce qui est là? demanda le Diable.<br/> — C'est moi! répondit Trente.<br/> — Qui ça, toi?<br/> — Trente !<br/> — Trente!... fit le Diable effrayé. Le vieux damné avait compris qu'il y avait trente hommes et il avait été saisi de peur.<br/> — Ouvrez ! fit Trente. Ouvrez! ou j'enfonce la porte. Cette menace produisit son effet. Le Diable obéit, et notre gars put bientôt contempler la face hideuse du roi des enfers. Tout autre que Trente aurait perdu la tête, mais lui, point. Il saisit le nez du démon avec sa pincette et le tira de son antre. Puis, avec son prisonnier, il reprit le chemin de la maison.<br/> — Qui vient là? s'écria le seigneur, en entendant d'épouvantables hurlements. — C'était Satan qui les poussait. —<br/> — C'est moi, Trente, votre valet. J'amène le Diable. Vous lui demanderez vous-même de l'argent. C'est ce que fit le seigneur, et le Diable dut s'exécuter afin de recouvrer sa liberté. Le maître de Trente était juste. Il lui donna la moitié des pièces d'or ainsi obtenues et garda le reste. Puis il congédia Trente, riche maintenant. Le gars s'en revint chez sa mère et vécut heureux auprès d'elle. Mettez votre chapeau sur la tête et mangez des crêpes !<ref>À Saint-Mayeux et dans les communes voisines, assez généralement les conteurs terminent leurs histoires par quelque plaisanterie de ce genre n'ayant aucun rapport avec le sujet, et ayant par son imprévu le don précieux de provoquer l'hilarité du naïf auditoire.</ref> <references/> ==Note du collecteur== Il y a de nombreuses variantes de ce conte. Dans les unes, on voit le maître de Trente l'employer à abattre du bois de chauffage. Mais le valet, trop zélé ou plutôt trop fort, abat toute la forêt. Il met des arbres entiers dans le four et le défonce. Il fait un feu à brûler tout le château. Dans d'autres, il jette dans un arbre le plus beau cheval de son maître afin d'abattre les fruits qui le tentent. C'est après ces prouesses, que son maître effrayé n'osant pas le renvoyer et voulant cependant se débarrasser de lui, lui donne une commission en enfer. Le dénouement est toujours le même. L'histoire de Trente est très populaire dans tout le pays. [[Catégorie: Revue des Traditions Populaires, année 1886]] [[Catégorie: Lionel Bonnemère]] [[Catégorie: Bretagne]]

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